Sur le plateau de Millevaches

1e séance plénière

Intervention dans la séance plénière « Résister et créer dans les institutions et leurs marges ».

Loïc et Lucie, du groupe Psy psy, citoyens

Je m’appelle Loïc. Je ne sais pas comment vous vous appelez. Vous êtes beaucoup, c’est très im-pressionnant. On doit partager quelque chose de commun même si je ne sais absolument pas qui vous êtes, ni ce que vous faites dans la vie. Peut-être partage-t-on quand même que quand on re-garde le ciel ça nous fait la même chose ?

Groupe Psy psy ? On ne s’est jamais vraiment nommés. On a fait des sessions pour chercher des noms, mais on n’a jamais réussi, donc on a plutôt été nommés par les autres, des noms balancés un peu comme ça. Des fois c’est le réseau, ou le réseau Psy, Psy psy, groupe d’entraide et de soutien psychologique de la montagne limousine… C’est varié et ça circule et on ne maîtrise pas du tout comment nous sommes nommés finalement.
Par contre, on est à peu près sûrs d’où on habite, parce que c’est quand même assez déterminant sur ce qu’on fait. Notre territoire s’appelle la Montagne limousine, à la frontière entre le pays d’Oc et le pays d’Oïl, c’est couvert de forêts, à 800 mètres d’altitude. Ce sont des villages entre cinquante et quatre cents habitants qui sont espacés de 10 km les uns des autres, donc séparés par des prairies, des forêts, des tourbières et des rivières, ce qui fait qu’on n’est pas nombreux au kilomètre carré. Un peu plus loin, il y a des villes un peu plus grosses qui font peut-être cinq mille habitants, à 30 km les unes des autres. Et puis encore plus loin, notre capitale départementale arrive peut-être à dix mille habitants. Limoges, l’ancienne capitale régionale, dépasse les cent mille habitants, à plus d’une heure de route. Ça a été longtemps une terre d’émigration très pauvre. Vous avez peut-être entendu parler des maçons de la Creuse qui allaient travailler loin. II y a eu aussi la désertification rurale des années soixante. Donc une terre d’où les gens partaient pour aller travailler ailleurs, où les parents disaient à leurs enfants dans les années soixante : « Pars d’ici, il y a rien à y faire ». Aujourd’hui, la vie change, la population s’accroît par un solde migratoire positif et beaucoup de gens arrivent avec l’envie de changer des choses dans leur vie. Ç’est assez marquant. Donc nous, on évolue là-dedans.
Ça veut dire aussi que les services publics sont de plus en plus loin. Au niveau santé, pour avoir accès à un psychologue, un psychiatre ou un médecin, on peut facilement faire une heure de route aller-retour. L’hôpital psychiatrique, c’est plus d’une heure, ça veut dire que quand quelqu’un qu’on connaît est là-bas, ce n’est pas rien d’aller lui rendre visite. Concernant les médecins généralistes, la situation est précaire, il y a des départs à la retraite, des gens pas remplacés etc. Donc ça tient, mais ça manque. On peut encore avoir accès à des consultations, mais avoir un médecin traitant qui nous connaît, qui nous suit dans la durée, ça n’existe quasiment plus. Ce territoire qui est éloigné des services publics, des lieux de pouvoir, a amené les habitants à s’organiser pour répondre à leurs besoins depuis de nombreuses années, pour des gardes d’enfants, du co-voiturage, comment on peut distribuer la nourriture…
Nous là-bas on ne se vit pas comme citoyens, on se définit comme des habitants. C’est un endroit où on habite et un endroit qu’on habite avec les gens autour de nous. Quand on est arrivés, il y avait peu de culture psy parce que c’est un milieu agricole traditionnel, où aller voir le psychologue ça ne traverse même pas l’esprit, ou c’est honteux. Après, des gens sont arrivés avec une culture militante qui pouvait être une posture très critique de la psychiatrie pour toutes les raisons qu’on entend sou-vent, normalisantes ou pire enfermantes et maltraitantes.
À la fin des années deux mille, un événement a cristallisé l’émergence du thème des souffrances psychiques chez nous. Depuis quelques années, il y avait quatre mouvements un peu sous-jacents. Le premier, c’est l’arrivée de gens qui avaient des formations d’éduc-spé, et se posaient la question d’accueillir des enfants en difficulté sociale, mais aussi en difficulté psychique. Il y avait des habi-tants, dont on fait partie avec Lucie, qui étaient confrontés à des proches qui n’allaient vraiment pas bien avec des idées suicidaires, des risques de passage à l’acte, et qui se demandaient quoi faire, comment on soutient, quelle est leur place ? Il fallait chercher les ressources qu’on a dans le coin, comment se dépatouiller avec ça.
Il y a quand même des médecins généralistes qui prescrivent des antidépresseurs, des anxioly-tiques. Pivoine, une association d’éducation populaire du coin, a proposé de faire trois jours sur ce thème, on a invité plein de gens avec des regards très différents et on s’est demandé ce qu’on avait à dire là-dessus, ce qu’on pouvait en apprendre. Suite à ces trois jours, où il y a eu une centaine de personnes, des professionnels du coin, des mouvements antipsychiatriques qui arrivaient de l’autre bout de la France, deux initiatives sont parties un peu parallèlement. D’un côté, ces habitants qui étaient confrontés à des gens qui n’allaient pas bien ont sollicité des professionnels venus à ces rencontres, qui faisaient preuve d’une certaine ouverture, pour essayer de mieux comprendre cette chose-là. Ils les ont interpelés sur les médicaments : « C’est quoi ces trucs que vous prescrivez ? Comment ça marche ? » etc. Il y avait juste une psychiatre et un psychologue, et petit à petit, ce groupe s’est étoffé, la psychiatre a ramené ses internes, des psychologues, des collègues infirmiers du centre médico-psychologique (CMP). Et de notre côté, on a ramené une naturopathe, quelqu’un qui faisait des soins en énergétique, une personne qu’on avait soutenue. On a essayé de montrer aux professionnels comment on avait créé un réseau de soutien autour d’elle. Ainsi, on a abordé des thèmes en se réunissant une fois par mois autour des psychothérapies, de l’approche neuropa-thique, de la dépression, et se sont créés petit à petit des liens de confiance entre nous. C’était un espace complètement informel de discussion, on se réunissait au domicile des uns et des autres, en tournant, les professionnels ne voulaient surtout pas qu’on aille dans leurs hôpitaux et dans leur CMP. C’était comme un espace d’analyse de pratiques pour eux, quelque chose qu’ils n’avaient pas là où ils travaillaient.

Loïc vient de décrire le groupe qui était plutôt composé de professionnels, d’horizons assez diffé-rents. Un autre groupe a démarré en même temps composé d’une partie des personnes qui avaient organisé ces rencontres et d’autres habitants autour de l’impuissance face à tout un tas de traver-sées qu’on peut vivre les uns ou les autres sur le plan psychique et des proches de personnes en souffrance. « Faire quelque chose, c’est m’exposer au fait d’être avalé par la situation de cette per-sonne et ne rien faire c’est insatisfaisant, puisque je suis dans la culpabilité d’être observateur ». On était pris dans cette tension-là et on s’est réunis autour de « on n’a qu’à regarder ce qu’on peut faire avec ce qu’on a ici et maintenant ». C’était assez basique. On était une petite dizaine avec des vé-cus différents sur ce sujet-là, des dispositions à la fois communes mais aussi singulières. On était vraiment dans cette idée qu’il faut y aller et puis on verra sur le chemin de quoi on a besoin pour avancer. Ce qu’on avait sous la main, c’est ce territoire que Loïc vient de décrire, donc avec plein de ressources pas tant sur le plan professionnel, bien qu’avec les rencontres on commence à voir que des soignants étaient prêts à travailler avec nous, mais des ressources en terme de point d’appui. Ça peut être des lieux où des gens ont des jardins, fabriquent ceci cela, sont prêts à accueillir d’autres gens, ça peut être des réseaux, des formes d’organisations collectives qui sont déjà en place et aussi des individus qui simplement ont envie de soutenir leur voisin avec pas nécessaire-ment d’organisation collective, mais juste une attention à l’autre qu’on savait présente. On était plu-sieurs à bien connaître le territoire, donc à pouvoir mobiliser des gens qui ne se connaissaient pas entre eux, mais qui pouvaient apporter une forme de présence à des personnes qui en auraient be-soin, nous les premiers, parce qu’il y avait toujours cette idée que ce qu’on fabriquait, c’était à partir de ce que nous on pourrait imaginer nous convenir si on avait besoin d’aide.
C’est de cette idée-là : « Si moi je me trouvais en dépression, de quoi j’aurais besoin ? » qu’on est partis.
On n’a pas tellement eu le temps de réfléchir parce que lors des rencontres qui venaient d’avoir lieu on avait été identifiés comme un groupe qui réfléchissait à proposer quelque chose de concret, donc les gens sont venus avec leur concrétude nous interpeller.
Même si on n’y a pas trop réfléchi, c’était évident pour nous que le fait d’être plusieurs était néces-saire. Face à la peur de se faire aspirer si on apporte du soutien à quelqu’un, à plusieurs on peut au moins en parler et se répartir « le poids, la charge » et peut-être la transformer en quelque chose qui pourrait se définir autrement que par du poids et de la charge. Quand on est interpellés et qu’on va vers des gens, qu’on les accompagne, on y va à deux, puis tout ça s’inscrit dans une communauté plus large que j’ai décrite avant.
Un autre jalon qui nous faisait dire qu’on pouvait y aller, c’était un peu d’extériorité. Certes, les gens qui nous interpellent ont une certaine culture commune avec nous. C’était le bouche à oreille qui nous amenait à accompagner les personnes, et on était attentifs à trouver les gens qui étaient le plus éloignés de la situation, donc pas le premier cercle, pas les proches de la personne, qui sont pris affectivement et qui peuvent se retrouver dans des enjeux personnels.
Il nous semblait également qu’il fallait formaliser quelque chose de très souple et minimaliste, que la proposition d’aide soit identifiable, claire, fiable et contenante. C’est là qu’on a décidé que quand on dit quelque chose, on le fait et quand on le fait, on le dit, et d’essayer de tenir peu de choses mais les tenir vraiment.
Ce petit formalisme nous paraissait important, de même que ces idées d’intérieur/extérieur en lien avec d’autres, que ce soient des professionnels ou des gens du territoire, qui nous permettaient de nous demander : « Qu’est-ce qu’on fait quand on fait ce qu’on fait, où est-ce que ça coince, qu’est-ce qu’on peut améliorer et où est-ce qu’on est en difficulté », d’avoir cette réflexivité.
La première interpellation qui nous a semblé illustrer ce qu’on fait concerne une personne qui devait avoir à ce moment-là pas loin de 40 ans, qui était seule avec un enfant et traversait une période de dépression importante avec des idées suicidaires claires. Elle a un entourage et peut s’appuyer sur des gens qui sont à ce moment-là complètement démunis. Elle a un boulot qui demande pas mal d’autonomie, d’indépendance tout en ayant des collaborations, dans le milieu culturel. Il faut parfois aller loin du plateau pour se réunir avec d’autres, ce n’est pas simple de ce côté-là non plus et il y a une forme de précarité aussi. On la rencontre sur cette base-là. On la connaît de loin et on va faire le premier entretien – j’insiste un tout petit peu sur ce premier entretien parce qu’il est constitutif de ce qui va se passer. On arrive à deux et on prend le temps de demander à la personne ce qui se passe pour elle, ce qui est difficile, la forme que ça prend, mais de manière très concrète. On est vraiment sur « J’ai des crises d’angoisse », « Ok ça se passe comment, ça te fait quoi dans le corps, c’est quoi les pensées qui te traversent ? » On essaie de comprendre ce qui se passe, de repérer quand la personne arrive à nommer ce qui provoque cette anxiété, ce stress, cette situation, ces idées sui-cidaires, ces pensées-là, s’il y a des déclencheurs. On n’est pas du tout sur un travail de fond parce que ce n’est pas ce qu’on sait faire et ce n’est pas l’espace adapté. On veut juste essayer de repérer avec la personne ce qui déclenche des situations de plus grande difficulté. On va regarder aussi le quotidien, le sommeil, les activités, est-ce que c’est facile de s’alimenter, est-ce qu’il y a des pro-blèmes pour aller voir des gens, des peurs qui surgissent, des choses vraiment du quotidien pour essayer d’identifier quelle forme prend cette crise ou en tout cas ce moment, cette traversée qui semble insurmontable. On va aussi regarder clairement ce qui se passe du côté des idées suici-daires, est-ce qu’il y en a, quelle forme elles prennent. Et puis on va regarder aussi s’il y a des pré-cédents, comment la personne a pu mettre en place des stratégies pour continuer à avancer, et qu’est-ce qui lui a permis à d’autres moments de dépasser les difficultés qu’elle rencontre, et proba-blement d’autres choses aussi, mais c’est ce qui nous est venu là, comme ça. Dans un deuxième temps d’entretien, on va essayer de repérer avec la personne les ressources qu’elle sait avoir auprès d’elle, ça peut être des personnes, mais ça peut aussi être des choses qu’elle sait lui faire du bien et qu’elle n’arrive plus à mettre en place aujourd’hui, mais qui à d’autres moments de sa vie ont pu lui permettre de se remettre d’accord. On va bien prendre en note tout ça et puis on va travailler avec elle à identifier ce qu’on met en place la semaine prochaine, demain, puis dans 15 jours, puis… pour que quelque chose soit un peu contenant. S’il s’agit d’une hospitalisation, on va accompagner ça, mais dans l’exemple que je vous donne, ce n’est pas ce qui s’est passé. On a réussi à mettre en place avec elle ce qu’elle souhaitait, le fait de pouvoir rester chez elle puisqu’elle avait un enfant et qu’elle avait envie de pouvoir assurer le quotidien. Elle a identifié très clairement qu’il y avait le 18-20 h qui était vraiment difficile avec la sortie d’école, quand on est épuisé, qu’on n’arrive plus à sortir de son lit et qu’on a un enfant qui a, à ce moment-là, 3 ou 4 ans et qui fait son job d’enfant. Ça c’était un premier temps. On a tout de suite mis en place le fait que des gens puissent récupérer tous les soirs à l’école l’enfant et viennent au domicile de cette personne pendant deux heures pour à la fois gérer le repas, ce moment de tension, et accompagner le coucher avec cette personne. Loïc et moi avons activé des personnes qui étaient en partie choisies par elle et en partie proposées par nous, parce que voisines, parents d’enfants dans la même école, retraités ayant du temps, enfin divers cas. On a mis en place cinq foyers à qui on a demandé de passer un peu de temps en soutien à cette per-sonne, qui se sont relayés un par soir, et une organisation un peu différente le week-end, pour venir au domicile. On est parti d’une présence chez elle deux heures par jour accompagnée d’une possibi-lité d’activer par téléphone un rendez-vous avec nous H24 pendant quelques semaines ou mois. Petit à petit, elle choisissait d’appeler ou non les personnes de permanence, c’est-à-dire qu’elle re-prenait un peu d’autonomie et n’avait pas forcément envie d’avoir tous les soirs des gens chez elle qui venaient la relayer. Progressivement, sur une période de trois mois, on est allé vers de moins en moins de présence. Les personnes restaient disponibles, mais c’est elle qui allait chez eux si elle le souhaitait, si elle pouvait commencer à sortir de chez elle. Ça a progressivement bougé comme ça. Elle n’avait pas de suivi psychiatrique, on l’a mise en contact avec la psychiatre avec laquelle on travaillait, qui a mis en place un traitement. Elle avait envie d’aller vers des thérapies plus énergé-tiques, donc c’est ça qui a été organisé avec dans les premiers temps l’accompagnement pour faire les trajets, parce qu’elle n’arrivait pas à conduire. Des gens ont accepté. Le principe c’est de solliciter des personnes en leur demandant si elles se sentent de faire ça, aller faire des courses une fois par semaine avec cette personne, l’accompagner une fois de temps en temps à un rendez-vous, faire ceci ou ça, oui ou non. On insiste vraiment sur le fait que dire oui, ça veut dire le faire vraiment, jus-qu’à nous dire je ne peux plus. On résiste toujours aux personnes qui disent moi je peux venir tous les soirs de 16 à 22h et puis, au bout de cinq jours, ben finalement ça ne tient plus. On tient le cadre de vérifier que les personnes vont vraiment pouvoir être là, est-ce que ça leur va toujours, est-ce qu’elles souhaitent que ça change, est-ce que c’est devenu trop…
On a aussi vérifié avec elle s’il y avait des activités physiques ou pratiques qui pouvaient lui faire du bien. La piscine, qu’elle avait pu faire en étant en ville, c’était super important pour elle, mais on ha-bite à une heure de route de la première piscine… C’était tout un truc d’organiser ça, on a demandé sur nos réseaux locaux, donc elle savait précisément quelle voiture allait à la piscine, quel jour de la semaine et comment elle pouvait profiter de trajets, et aussi d’aller avec d’autres faire cette activité-là. Ce sont de petits exemples, mais c’est pour donner à voir la façon dont on met en place un ré-seau de soutien.

L’exemple présenté par Lucie est assez lourd mais, des fois, il s’agit juste orienter quelqu’un vers un professionnel. Ça repose sur plusieurs choses, sur une connaissance très fine de notre territoire. On sait où les gens peuvent aller, on sait où il y a des ressources, et cette proximité-là, c’est parce qu’on habite ensemble au même endroit et c’est hyper important, sinon on pourrait vraiment pas faire ce qu’on fait.
Faire ce qu’on dit, dire ce qu’on fait, répartir pour ne pas s’épuiser nous permet de pouvoir faire ça. Et je voulais juste terminer sur le lien qu’on peut avoir avec les professionnels, donc avec l’institution. Il est très variable. Il y a des gens qui ne nous reconnaissent pas comme interlocuteurs légitimes, mais il y a aussi des liens de confiance avec des généralistes qui nous permettent d’intervenir en deuxième partie de consultation, ça peut aller jusqu’à participer à des réunions de débrief, de staffs hospitaliers où il y a la psychiatre, des infirmiers. Parfois, on fait un point tous ensemble et ça nous aide à nous positionner au bon endroit. Parfois, des professionnels nous appellent en nous disant : « Il faut que j’hospitalise sauf si vous proposez autre chose » ; et tout ça a été possible parce que la confiance s’est établie dans le temps très long, qu’au départ il y a eu une ouverture des deux côtés pour aller chercher chez l’autre, sinon rien n’aurait pu commencer, et aussi qu’on était sur du con-cret, on n’était pas sur des idées, des principes, « il y a telle personne qui va pas bien qu’est-ce qu’on fait pour elle ? ».
On pourrait se demander ce qu’y trouvent les professionnels, ils ne sont pas là pour le confirmer, mais moi, j’ai entendu des généralistes dire : « Pour nous c’est un relais, on sait que la personne quand elle repart n’est pas isolée, elle est pas toute seule », donc ils intègrent ça dans leur pratique. D’autres nous ont dit clairement qu’il était important qu’ils se remettent en question. Je ne suis pas sûr d’avoir compris mais, dans nos pratiques, il y a quelque chose qui les stimulait intellectuellement, professionnellement. Ce serait intéressant de savoir comment. Il y a des gens pour qui ça faisait vivre l’idéal du secteur qui avait été complètement saboté par le retour à l’hospitalo-centrisme. Un infirmier à la retraite qui porte ça très fort a rejoint notre groupe parce qu’il y a retrouvé son idéal. De notre côté, ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas faire sans eux et sans elles parce qu’on n’a pas les compétences, quand on a besoin qu’il y ait des hospitalisations, des endroits où les gens peuvent s’en remettre complètement, ne plus avoir à réfléchir à comment ils se nourrissent, comment ils dorment, des endroits de friction justement où se joue l’altérabilité. À un moment donné, certains nous ont proposé de venir dans la maison des usagers de l’hôpital qui est à une heure de chez nous et dans du placo blanc avec des spots au plafond… Mais ça n’a pas de sens, c’est trop loin, et puis là-bas, qu’est-ce qu’on va faire en fait ? On appréhende un peu qu’il y ait de la récupération derrière. C’est pas non plus une histoire toute rose et puis, on a toujours en tête que quand on envoie quel-qu’un en milieu hospitalier, on sait plus trop ce qui se passe. On sait qu’il faut déléguer ça parce que nous, on peut pas le faire, mais c’est une délégation qui est critique. On se tient au courant de ce qui se passe, on appelle nos alliés dans l’hôpital pour voir si tout va bien. Il y a de la confiance, mais en même temps chacun a sa place, c’est très bien comme ça.

vous pouvez également retrouver les échanges faisant suite à la plénière

par Psy psy, Pratiques N°106, novembre 2024

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