Pratiques N°35 Espaces, mouvements et territoires du soin

Une première partie concernera l’espace habitable du soin, ce qui, dans l’environnement du lieu de soin, dans son architecture, dans la délimitation fonctionnelle des espaces, dans les modes de circulation qu’ils permettent, ou dans la pratique du soin à domicile, peut rendre l’entreprise de soigner véritablement thérapeutique ou à l’inverse pathogène. Aujourd’hui, la tendance lourde, pour des raisons de rendement gestionnaire, est à la concentration des lieux de soin et donc à un gigantisme hospitalier contredit pourtant systématiquement par la demande des usagers de lieux à échelle humaine et d’une médecine de proximité. L’expérience italienne de Franco Basaglia en psychiatrie a permis de montrer que toute une dynamique thérapeutique alternative n’a pu se faire que lorsque la question de la suppression des asiles, lieux de relégation et d’enfermement, a pu être posée et mise en application.

Une seconde partie concernera la question de l’espace-temps, c’est-à-dire du mouvement et du territoire. Le territoire est un espace sociopolitique, qui identifie une ère géographique à des responsabilités administratives et thérapeutiques. Là s’opèrent des délimitations, des clivages, ou s’ouvrent au contraire des possibilités de circulation et de communication. Les enjeux qui sont au cœur de cet espace de pouvoir peuvent donc, là encore, le rendre thérapeutique ou pathogène. La scène locale du soin peut ainsi générer des effets d’immobilisme. Un médecin généraliste est rivé à son cabinet, parce qu’économiquement dépendant de sa consultation, et manquant de ce fait de temps pour en sortir, rencontrer d’autres acteurs, se former ailleurs.

Se pose aussi la question d’une déterritorialisation en œuvre : délocalisation générée par la gestion informatique des dossiers, télé-secrétariat, l’Internet comme royaume du soin et de l’automédication, mondialisation des flux en ressources humaines (soignants de l’Union européenne et de la zone hors U.E.), flux migratoires de patients dus aux inégalités dans l’accès aux soins et les no man’s land liés la terreur administrative imposée aux « sans papiers ».

Enfin sera considéré le territoire local comme enjeu politique porteur de tous les espoirs et de tous les dangers. Espoirs pour ceux qui, comme nous, prônent le passage d’une médecine partant du soin pour intégrer le paradigme de la santé et dangers présentés par ceux qui considèrent le territoire local comme une simple cible d’un pouvoir politique et administratif « haut placé » pour un quadrillage bio-médical de la population. Il s’agit ici d’aborder la responsabilisation des soignants et des patients sur leur propre territoire et l’institutionnalisation du débat au niveau local avec son corollaire, quels nouveaux lieux de débats à créer, dans quels espaces ?

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