Le Printemps de la psychiatrie

Texte d’ouverture

L’édition 2024 des Assises citoyennes du soin psychique a pour objectif d’interroger, d’examiner et peut être de rêver le soin psychique là où il est attendu en psychiatrie, en pédopsychiatrie, dans le médico-social, mais aussi dans le domaine social et judiciaire, sans oublier le soin dans la cité.

Ces Assises sont issues d’un partenariat entre le Printemps de la psychiatrie et les CEMEA (Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active).
Depuis 2018, le mouvement du Printemps de la psychiatrie a réuni, autour de son manifeste appelant à « un renouveau des soins psychiques » plus d’une cinquantaine d’associations, de collectifs, de syndicats, de partis politiques, et des centaines de signataires, tous citoyens concernés, patients, familles, soignants, et proches.
Ce manifeste, encore ouvert à signature, défend une psychiatrie et une pédopsychiatrie humanistes. Celles qui résistent à considérer et à réduire la maladie mentale à « une maladie comme les autres ». Les tumultes psychiques ont une étiologie multifactorielle complexe et toujours singulière qui interdit de n’avoir recours qu’à des approches protocolisées, qu’elles soient pharmacologiques, invasives ou rééducatives.
La particularité des maladies psychiques impose de rencontrer la personne dans la complexité de son être, de considérer les humains dans leur globalité, avec leur corps, leur histoire, leur psyché, prise dans ses dimensions conscientes et inconscientes. Et puisque ces troubles fragilisent notre rapport aux autres, nous plaçons la question de l’accueil de la personne en souffrance psychique et de l’hospitalité au centre de nos préoccupations.
2018, année mouvementée, a vu éclore, aux côtés du Printemps, des luttes sans précédent : Les blouses noires à Rouen, Les perchés du Havre, Les Pinel en lutte à Amiens, tous s’insurgeaient contre la détérioration de la qualité de l’accueil des patients dans leurs services. Dix ans plus tôt, le Collectif des 39, posait déjà la question : « quelle hospitalité pour la folie ? », et alertait sur les dérives sécuritaires de la psychiatrie. Au même moment, l’Appel des appels se constituait pour résister à la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social.
Le Collectif des 39 fut à l’initiative de la première édition des Assises citoyennes – dites en 2013 « De la psychiatrie et du médico-social » – et la tenue de « Nouvelles » Assises citoyennes en 2022 a été décidée à l’initiative de l’Appel des appels, du Collectif des 39 et du Printemps de la psychiatrie.
Pour cette édition 2024, le Printemps se réjouit de la continuité de leur soutien.

En guise d’ouverture, reprenons les questions qui nous taraudent sur l’évolution des politiques et des pratiques en « santé mentale », sur les représentations imaginaires actuelles des troubles psychiques.
Par là-même, il s’agit de rompre avec l’isolement que nous pouvons vivre chacun à notre endroit, de tisser des ponts, des alliances et de contribuer à construire, par l’expérience de l’échange et de la rencontre, un socle commun pour lutter ensemble.
Nous organiser collectivement est une nécessité si nous voulons peser dans le rapport de force auquel nous sommes confrontés, afin de faire valoir et faire advenir un autre rapport à la folie, et d’autres manières de prendre soin.
Nous nous sentons engagés à promouvoir et défendre une conception des soins psychiques qui replace la dignité humaine au centre. Nous souhaitons débattre de l’exigence de dispositions et de créations qui sous-tendent cette préservation d’humanité dans les soins psychiques.
Ces deux jours d’Assises en plénière et en ateliers nous donneront du fil à retordre, mais aussi des fils à tendre vers un renouveau des soins psychiques que nous souhaitons et qui nous engage déjà.
Comment continuer à en construire les bases à la lumière d’une nécessaire transmission mutuelle et affûtée à de nouvelles praxis ?

Au-delà des distinctions de nos vécus, nous sommes sans doute toutes et tous intimement concernés par la question de la souffrance psychique.
Nous estimons que la folie, ou les manifestations psychiques considérées hors normes, font partie intégrante de notre condition, qu’elles nous convoquent à l’endroit de notre humanité commune, et qu’on ne peut dès lors s’en saisir comme d’un objet complètement extérieur à nous-mêmes, face auquel nous serions neutres.
Certains, certaines d’entre nous travaillent dans des contextes qui ne les rendent pas toujours fiers des soins prodigués ou au contraire souhaitent partager l’inventivité déployée dans leurs lieux, faire connaître d’autres manières d’accueillir, de rencontrer l’altérité, qui transcendent les injonctions actuelles, injonctions souvent paradoxales.
Certains, certaines ont traversé un parcours psychiatrique, plus ou moins douloureux, parfois marqué de violences.
Certains, certaines s’inquiètent du sort réservé à leurs proches dans les différentes structures de soin.

Largement documentée depuis des années dans les médias, la dégradation des conditions d’accueil des patients dans le service public s’accélère. La casse de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie publiques se concrétise : réduction des lits et des places, fermeture de lieux d’accueil et diminution des personnels soignants, tout cela compromettant la possibilité de soins relationnels. La Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté conclut à un état « d’extrême gravité ».
Les patients, au premier rang desquels ceux qui ont besoin de soins au long cours, se voient renvoyés à une précarisation de leur existence tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des murs de l’hôpital ou de l’établissement.
Au sein des unités, leurs conditions de vie sont bien trop souvent indignes et la prescription de médicaments domine les soins, parfois sans que le patient n’ait la possibilité de discuter de celle-ci avec le médecin. L’auteure Treize, dont le pseudo est tiré de son numéro de chambre à l’hôpital psychiatrique, témoigne avec force de la violence de cette condition dans son livre Charge, sorti début 2023. [1] Au cœur de ce système qui méconnaît le soin relationnel, sans surprise, les mises à l’isolement et les contentions se banalisent.
À l’extérieur de l’hôpital, la discontinuité des soins est souvent de mise et il est fréquent que la proposition de soin se résume à un rendez-vous médical par trimestre pour renouveler l’ordonnance.
Les personnes reconnues porteuses d’un handicap psychique doivent en outre vivre avec une allocation toujours inférieure au seuil de pauvreté, mais tout juste assez élevée pour ne pas avoir droit à la Complémentaire santé solidaire sans participation (ex-CMU-C).
En pédopsychiatrie, les jeunes patients ne sont pas mieux lotis avec pour eux aussi une diminution des lieux d’accueils de jour et d’hospitalisation, et de manière inversement proportionnelle, des prescriptions médicamenteuses qui explosent littéralement.
Du côté des adolescents, les soins sont largement insuffisants au regard des difficultés rencontrées tant sur le plan personnel que social. Beaucoup sont en rupture scolaire importante et parfois de longue date. L’Éducation nationale, dépassée, propose un enseignement à distance, souvent trop compliqué à suivre pour ces jeunes fragilisés qui ont tendance à vivre repliés chez eux.
Parallèlement à cette dégradation de l’accueil et des soins relationnels, la conception sécuritaire de la psychiatrie est réaffirmée par les prises de positions de certains responsables politiques à l’occasion de faits divers dramatiques, relayés dans les médias de masse. L’importance d’offrir des soins aux personnes en souffrance psychique s’efface derrière une exigence de surveillance et une obsession de la bonne observance des traitements, comme s’ils étaient parfaitement efficaces et suffisants. Nous déplorons le renversement d’une perspective de soin à une perspective de contrôle que ce traitement politique et médiatique opère dans le champ du soin psychique.
Outre le recours à des camisoles mécaniques (isolement et contention) et chimiques (les ordonnances à rallonge), ce prisme sécuritaire se traduit par une limitation de plus en plus importante de la circulation en dehors des unités de soin. La fermeture des portes des services se systématise, renforcée par la succession des plans Vigipirate et par l’intériorisation par les soignants de ce rôle de surveillance.
Au sein du Printemps de la psychiatrie, nous dénonçons cette vision sécuritaire et punitive du rôle des soignants, favorisée par le développement d’une société de contrôle. Avec l’association le Fil conducteur psy, le Printemps s’est engagé contre le recours à la contention et les mises à l’isolement abusives. Nous souhaitons ouvrir un débat citoyen sur cette question primordiale des restrictions des libertés des patients.

Le Printemps de la psychiatrie et le Collectif des 39 soutiennent une autre lutte, celle des psychologues qui se mobilisent depuis que les gouvernements, par décrets, arrêtés et propositions de lois, tentent de limiter leur travail à des pratiques de courte durée, réservées à des patients dont la souffrance psychique ne serait que « légère ou modérée ». Alors que l’exclusivité du modèle neuro-cognitivo-comportemental s’est répandue dans les enseignements de toutes les spécialités de la psychologie et tend à accentuer son expansion via des voies législatives, l’accès à d’autres psychothérapies est très menacé dans les institutions publiques, et n’est remboursé en libéral que pour quelques séances.
Dernier avatar de la mise au pas de la profession, contre laquelle s’insurgent la majorité des organisations, la réémergence de la proposition de créer un Ordre des psychologues, sur le modèle de celui des médecins.
La formation initiale de tous les professionnels du soin psychique est depuis des années, et de plus en plus, orientée par ce paradigme médical, avec pour conséquence un bouleversement de l’approche clinique focalisée non plus sur la description de la vie psychique mais sur l’objectivation de signes repérables par tous, en particulier de ceux qualifiés de « troubles de l’apprentissage » et « troubles du comportement ».
Ces nouvelles descriptions médicales font basculer les difficultés du registre du vécu de souffrances psychiques à celles de dysfonctionnements organiques avec, comme effet principal, de changer radicalement les représentations sur la folie et d’en déshumaniser le sens. Cette psychiatrie, que Mathieu Bellahsen appelle « cérébrologie », abandonne progressivement l’idée de psyché et par conséquent de soin psychique, au profit de traitements standardisés présentés comme issus de la rationalité de la science médicale.
Nous dénonçons la formule de « maladie comme les autres », prétendument dé-stigmatisante pour les patients, mais qui s’inscrit de manière insidieuse comme une opération marketing visant à favoriser l’expansion d’une psychiatrie exclusivement biomédicale, alliée à l’industrie bio-pharmaceutique. Cette vitrine sert par ailleurs de cheval de Troie pour justifier toutes les nouvelles « politiques publiques de santé mentale ».

En effet, lorsqu’il s’agit de psychiatrie et pédopsychiatrie, les restructurations des dispositifs de soins et les changements dans les pratiques qui en résultent, sont toujours assortis d’une « rhétorique de la promesse » et d’un lexique progressiste orienté vers l’efficacité, supposés les rendre désirables.
À titre d’exemple, le paradigme dit du « rétablissement » permet de considérer comme obsolètes des lieux d’accueil de jour, et au besoin de justifier leurs fermetures, alors qu’ils rendaient possible une continuité des soins relationnels aussi longtemps que nécessaire sans présager de leur durée, pour n’abandonner personne.
Les structures médico-sociales prennent le relais quand elles le peuvent, dans des lieux insuffisamment nombreux et insuffisamment dotés, tant en personnel stable qu’en formation, avec pour conséquence un appauvrissement du soin psychique. Le renvoi vers ces lieux de vie éloigne souvent les résidents de leurs ancrages familiaux et sociaux. Et que dire du soin porté aux personnes âgées, domaine dans lequel le privé lucratif continue de conquérir du terrain et des dividendes malgré les scandales mis en lumière par Victor Castanet dans son enquête Les Fossoyeurs ?
En pédopsychiatrie, c’est par la promotion d’une société ou d’une école plus « inclusive » que la diminution des moyens humains et matériels alloués aux soins et aux accompagnements spécialisés s’effectue, sans une opposition franche. En conséquence, les enfants et les familles subissent par défaut, et de fait, une « inclusion au domicile », avec la disparition des structures sanitaires et médico-sociales et la difficulté des associations à tenir dans la continuité. D’ailleurs il n’est plus question que d’accueils séquentiels.
Aidé par un travail de propagande très actif, notamment de la fondation FondaMental, financée par les géants pharmaceutiques et industriels et par les préceptes de l’institut Montaigne, ce changement de paradigme a, en une quinzaine d’années, modifié non seulement la nosographie, mais également profondément transformé les pratiques et les parcours de soin.
De plus en plus souvent élaborée suivant un modèle algorithmique au sein de « centres experts », de « plateformes de diagnostic et d’orientation », ou autres « dispositifs innovants », une nouvelle forme d’expertise vise non seulement l’industrialisation du diagnostic des troubles, mais opère également de manière insidieuse un tri des patients. La réhabilitation des personnes identifiées « rétablissables » va de pair avec une relégation dans la précarité de ceux qui « échouent » dans cette entreprise. Cette néo-psychiatrie discrimine parmi les patients ceux éligibles à la remédiation, au reconditionnement, à la rééducation, à la « normalisation » et aux protocoles innovants rentables (comme la e-santé), le plus souvent assurés dans les nouvelles « filières dédiées », et les autres. Ces autres, les « récalcitrants » au « rétablissement », pour lesquels le remède n’a pas encore été trouvé (mais avec la promesse qu’il le sera bientôt), sont renvoyés vers des structures publiques chancelantes et soumis à des conditions d’accueil de plus en plus précaires et inhospitalières ainsi qu’à des restrictions de liberté banalisées.

Point d’orgue de cette armada néolibérale, la tarification à l’activité vient d’être introduite en psychiatrie et en pédopsychiatrie. L’extraction des activités rentables peut alors aisément se faire par les opérateurs privés lucratifs, ciselant les soins psychiques entre marchés providentiels à saisir et déliquescence de l’offre de tout ce qui ne peut être rentabilisé. Dans une tribune récente intitulée « La vague néolibérale a conduit à la transformation de l’hôpital public en une structure de production de soins payés à l’acte », Anne Gervais, André Grimaldi et Olivier Milleron demandent à juste titre la suppression de la « tarification à l’activité » responsable de la détérioration de l’hôpital public, mais également du privé.
De toute part dans les lieux de soin, la déshumanisation est encore accentuée par la mobilité et l’interchangeabilité des professionnels et par le développement du tout-numérique, empêchant de plus en plus souvent la possibilité d’une rencontre signifiante et le développement d’une relation soignante. Sur l’autel du profit est sacrifiée l’attention à l’humain et à ce qui fait pourtant la spécificité des pathologies psychiatriques, l’intrication multidimensionnelle de leurs causalités et avant tout leur part inextricable d’énigme et de sens toujours à venir.
Cette transformation culturelle profonde n’est pas isolée, elle intervient dans un contexte de new public management généralisé, dont les fondements ont été mis en évidence par Johan Chapoutot dans son livre Libres d’obéir. D’après lui, ce management aurait pour but de recourir à la pensée comptable dans toutes les professions où elle était au préalable absente, afin de permettre des économies via une restructuration efficiente, là où la relation humaine était jusqu’alors déterminante. Cette perspective avant tout politique, permet de justifier des restructurations économiques et n’hésite pas à détourner la science à son propre profit.

Cette bataille politique et culturelle contre un lobbying scientiste progresse !
Cependant, pour les journalistes, les élus, pour les citoyens en général, il n’est pas évident de se représenter les soins psychiques, surtout en psychiatrie, sans en avoir fait l’expérience, sans les avoir vu à l’œuvre.
« Pouvoir en témoigner, de nos places respectives et répondre aux questions des citoyens concernés-pas soignants ou soignants, fait partie des ambitions de ces Assises ».
On peut se réjouir du nombre d’articles, d’émissions de radios, de livres et de films qui sont d’un grand secours pour visibiliser et éclairer les questions que d’autres décident d’ignorer.. Grace à tous ces efforts de pédagogie déployés, le scepticisme monte chez les journalistes et chez beaucoup d’élus, à l’égard du discours triomphaliste de la « néo » psychiatrie.
Du côté des personnes concernées, l’expérience la plus répandue de l’hôpital est catastrophique. Et leurs voix se font entendre. Le succès d’un livre en particulier a fait exister le « pays psychiatrique », où l’on est à la merci du pouvoir médical et de sa supposée expertise.
L’auteure Treize y pointe dans Charge [2], les rapports de domination (y compris entre professionnels !) qui ne peuvent être que délétères pour le soin.

Comme le souligneront les prochaines Rencontres de psychiatrie institutionnelle de Saint Alban, : « Obéir n’est pas soigner ! ». Se soigner ne doit pas, ne peut pas être obéir…
On peut espérer des assises citoyennes, que ce qu’on tente d’y faire savoir résonne aussi pour les usagers/patients/psychiatrisés, que ces assises renforcent leur sentiment de légitimité à être critiques ou à vouloir inventer autre chose, et défendre leurs droits.
On peut espérer que ces assises déclenchent des vocations pour les métiers du soin psychique, y compris chez des jeunes que l’engagement de respecter et considérer les patients n’effraie pas, mais au contraire motive – comme le jeune psychiatre du film État limite.
Les reportages et documentaires sont nombreux, et dévoilent un paysage très contrasté...
Par exemple, les films Loup y es-tu ? de Clara Bouffartigue, tourné au CMPP Claude Bernard, et La machine à écrire, et autres sources de tracas, qui clôt la trilogie que Nicolas Philibert consacre aux patients et soignants du secteur psychiatrique Paris-Centre. Ces films donnent à voir des pratiques de soin relationnel qui ne sont plus « recommandées » par la Haute autorité de santé... parce que trop humaines, sans doute !

Nous souhaitons que ces Assises puissent être le lieu où se partagent et s’inventent les formes de résistance et de créativité.
En signant le manifeste du Printemps de la psychiatrie, nous nous sommes engagés à lutter contre le déclin dramatique des façons d’accueillir et de soigner les personnes qui vivent au cours de leur existence une vulnérabilité psychique douloureuse. C’est bien à ce titre que nous sommes réunis ici aujourd’hui, afin de faire valoir une autre conception de la folie, de la souffrance psychique et des soins que celles-ci requièrent, et afin de visibiliser la continuité des questions que soulève le soin psychique en psychiatrie, dans le médico-social et dans la cité.
En effet, le traitement actuel des personnes oubliées et fragiles, de tous ces gens considérés insuffisamment efficients dans un monde où la rentabilité et l’efficacité priment, n’annonce-t-il pas le sort qui attend plus largement une grande partie de la population ? Qui serait préservé ? Nous sommes face à la nécessité de repenser et de réengager une mobilisation qui implique une repolitisation des professionnels conjointe à celle de tous les « usagers » que nous sommes – autrement dit, de tous les citoyens – afin de nous réapproprier nos biens communs institutionnels.
C’est à la condition que le service public puisse encore être un bien commun, c’est-à-dire transformable depuis les expériences qui s’y vivent, que nous nous réunissons pour lutter contre son démantèlement programmé et accompagnés de l’exigence qu’il ne persiste pas à être vecteur de pratiques autoritaires indignes systématisées.
Il importe surtout d’imaginer collectivement des soins psychiques que nous aurions envie de défendre depuis nos places respectives, soignants, soignés et proches. Nous défendons des pratiques de transmission réciproques et multidirectionnelles, soignés-soignants, soignants-politiques, familles-citoyens, citoyens-soignés.
Nous affirmons que l’inventivité et la transformation permanente des lieux de soins pour qu’ils restent vivants et soignants sont une exigence. Nous souhaitons permettre des échanges entre des lieux où existent des démarches de construction collectives. Les pratiques visant à prendre en charge ensemble, soignants et patients, les activités de la vie quotidienne, comme les clubs thérapeutiques, favorisent une réinsertion sociale non subordonnée, via la participation à une activité délibérative dans un espace bordé d’attention collective à la vulnérabilité et à la rencontre singulière.
Ces espaces multiformes d’exploration où le temps nécessaire à l’élaboration n’est pas menacé, qui existent tant à l’échelle de la rencontre psychothérapeutique individuelle, que collective, institutionnelle ou à celles d’expériences associatives ou encore citoyennes, nous semblent des zones à défendre, des foyers d’où penser et d’où résister. L’appui des artistes à nos côtés apparaît comme décisif.
C’est dans la perspective de créer des liens entre les lieux qui résistent et qui réinventent chaque jour le soin psychique au regard de l’expérience vécue et de concrétiser une transversalisation des champs d’exploration, que nous avons pensé ces Assises.
Conscients de l’importance de la continuité des soins permise historiquement par le concept et la pratique de secteur, nous avons à naviguer au cœur de cette réalité complexe, pour aujourd’hui avancer collectivement, afin d’œuvrer à construire une force commune de résistance et créer un imaginaire politique pour une psychiatrie à venir.

Cet après-midi et demain matin, c’est sous la forme d’ateliers que nous mènerons nos échanges.
Atelier 1
– Quel accès aux soins ? Pour quel soin ?

Cet atelier aspire à élaborer des propositions concrètes pour sortir du constat de la catastrophe et poser les bases d’une alternative partant des besoins de la population et non des impératifs économico politiques du libéralisme.

Atelier 2
-  Soigner l’enfant dans le monde aujourd’hui – les soins psychiques à l’épreuve de la normalisation

Ce atelier, construit en appui sur un appel à témoignage, offre un espace d’échanges propice à nommer les contradictions actuelles de soins psychiques que vivent les enfants, leurs parents et les professionnels.

Atelier 3
-  Quelle contenance par le soin psychique ?

L’atelier explorera la notion de contenance par opposition à la contention. Il s’appuiera sur l’expérience des invités et des participants, travaillant à d’autres pratiques, et à la construction de cadres de soins contenants.

Atelier 4
-  Espaces collectifs et vie démocratique : pour des pratiques humaines, vivantes et indisciplinées des soins psychiques

Un atelier où nous échangerons sur les bricolages et les stratégies inventives qui permettent, envers et contre tout, de construire au quotidien des interactions égalitaires et des rencontres singulières dans les espaces d’accueil et de soins. Ou « comment penser la psychothérapie institutionnelle au présent. »

Atelier 5
-  Quel accueil de la souffrance psychique dans la cité ?

Quelles sont les réponses que les enseignants, agents municipaux, travailleurs sociaux, élus, individuellement ou collectivement peuvent inventer pour accueillir la souffrance psychique ? Quels liens avec les professionnels du soin pour comprendre et accueillir ?

Atelier 6
-  Clinique des marges et réinvention institutionnelle

Cet atelier interrogera la transformation institutionnelle depuis ce qui s’y construit avec créativité en marge, en présence de membres du groupe Psy Psy, de la troupe de théâtre l’appétit des indigestes, du GEM de Bondy, du collectif Democrapsy, de la Cantine des Pyrénées et du bistro culturel le Pianoktail.

Atelier 7
-  Une civilisation d’exclusion

Une civilisation s’évalue à la manière dont elle traite ses sujets les plus fragiles. Des détenus aux personnes à la rue, en passant par les patients de l’hôpital psychiatrique et les « migrants », ils sont enfermés ou laissés à l’abandon par la politique inégalitaire d’aujourd’hui. Comment l’analyser tout en luttant pour créer des espaces subversifs et de résistance ?

par Printemps de la psychiatrie, Pratiques N°106, novembre 2024

Documents joints


[1Voir dans le magazine, « Charge. Barge. La folie est un cri » d’Éric Bogaert.

[2Cf. note 1.

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