Pratiques N°34 Autour de la mort, des rites à penser
Qui prend soin des morts ?
« Je continue à croire que ce monde n’a pas de sens supérieur. Mais je sais que quelque chose en lui a du sens et c’est l’homme, car il est le seul être à exiger d’en avoir » Albert Camus
La mort de l’autre est une violence faite aux proches, un non-sens, elle les laisse sans voix, révoltés, avec une énorme douleur. La mort nous renvoie à la vie, à sa fragilité, au sens que nous lui donnons. Nous sommes les seuls êtres vivants à honorer nos morts, témoigner de leurs vies, pour dire combien celles-ci sont précieuses. La société moderne parce qu’elle perd le sens de la vie, ne veut pas voir la mort, ni le deuil, qui sont niés, refoulés, interdits, impensés et privatisés. Les raisons de cette évolution inédite sont multiples : suprématie de la science et de la technique, urbanisation, anonymat, individualisme, économie de marché.
Sous l’effet inéluctable de la médicalisation du champ social, la mort est indéfiniment repoussée et considérée comme un échec de la médecine. Le malade, paradoxalement acteur de cette médicalisation, se laisse déposséder de ses prérogatives concernant sa propre fin de vie ; il meurt le plus souvent à l’hôpital, seul, coupé de son monde familier ou familial.
La question essentielle que pose ce numéro est ancrée dans la vie de tous les jours, du matin jusqu’au bout de la nuit : qui veille les agonisants ? Qui tient la main au moment des derniers râles ? Qui toilette les corps des défunts, dernier rite avant les funérailles ? Qui prend soin des morts ?
Les institutions ? L’hôpital concentre les personnes du "4ème âge" et ignore leur isolement culturel et social. L’hôpital se décharge sur les ouvrières du soin et n’entend pas leur souffrance liée à la pénibilité du travail.
Le législateur ? Au détriment de l’exigence de sa mission de service public, il se décharge sur les spécialistes du funéraire qui deviennent les nouveaux officiants du culte des morts. Malgré les chartes éthiques, la marchandisation des corps et des funérailles avance sans vergogne au détriment des conditions de travail des ouvriers du funéraire.
Les familles ? Contradictoires comme est la vie, elles sont emmurées dans un silence coupable, entre le désespoir, l’anéantissement, les pleurs contenus et les pansements voilant l’absence. La famille ? Pour ceux et celles qui en ont encore une... Les soignants ? Passeurs d’humains, ils témoignent d’une partie de leur vie, donnée aux corps des vivants et des morts.
Les auteurs de ce numéro observent nos attitudes de survie face à la mort. Ils se proposent de prendre le contre-pied de l’évolution décrite ci-dessus, en identifiant ce qui existe réellement, les rituels ou le travail ritualisé, ces menus gestes du quotidien qui savent dire l’importance de la vie qui résiste et qui se transmet malgré tout. La société et ses institutions doivent prendre acte de l’évolution des mentalités et de l’appel des acteurs de terrain au respect et à la dignité de toute vie et de tout mort. L’humain a de tout temps pratiqué des rites de vie, jusqu’au bout. Afin de pallier et transcender l’éternelle angoisse de mort, il n’a pas d’autre choix que d’exiger de construire et de sauvegarder sa culture et son humanité.
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Sommaire du N°34
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Jadis on veillait les morts par (p. 4)
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On aurait dit qu’elle respirait par (p. 6)
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Pourquoi ? par (p. 6)
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Une affaire personnelle par (p. 8)
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Tracé plat par (p. 10)
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La médicalisation du mourir par (p. 12)
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Le bien mourir aujourd’hui par (p. 16)
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Clients rentables, patients jetables par (p. 20)
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Une vérité froide et usante par (p. 23)
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Les travailleurs de l’ombre par (p. 33)
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Les origines du monopole religieux par (p. 40)
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Les knocks morts par (p. 44)
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Une toilette mortuaire par (p. 46)
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Dire au revoir par (p. 49)
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Accompagnée par (p. 51)
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Comment font-elles ? par (p. 53) ,
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Le chagrin qui atteste par (p. 55)
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Toute sa place, rien que sa place par (p. 57)
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24 heures pour pleurer par (p. 59)
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Rituel choisi, rituel imposé par (p. 60)
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La petite robe noire par (p. 61)
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Paroles de malades andalous par (p. 68)
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Centro de salud "La Merced" par (p. 71)
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Fragments d’un corps transparent par (p. 75)
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L’obscurantisme et la médecine par (p. 79)
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Enfin une vraie maladie pour un vrai traitement par (p. 81)
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Un homme, un juge par (p. 82)
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Souffrances et résistances par (p. 84)
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Iatrogénèse par (p. 85)
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Double langage par (p. 87)
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Enseigner la maladie alcoolique par (p. 89)
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Les répondeurs de la mort par (p. 90)
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Le médecin face au désir (Lucien Israël) par (p. 93)