- Prescrire un régime de saveur

Evelyne Malaterre,
médecin généraliste

Dans nos consultations, il est toujours question de bouffe.
Tout commence dans la salle d’attente... où des enfants patientent avec leurs biscuits, boissons sucrées... au lieu de dévorer un livre ou une BD !
Cela me permet souvent d’aborder la question de leur alimentation, leur goûter, leur mode de garde parfois : seuls devant la télé, avec un paquet de chips ou de cacahouètes ?
Les adultes, eux, ont un sandwich/casse-croute entre midi et deux... Et il m’est difficile de ne pas interroger : « Mais vous mangez souvent comme ça ? »
Après, pendant la consultation, les gens abordent leurs problèmes de poids, de régime amaigrissants, avec déjà un régime qu’ils ont démarré et pour lequel ils me demandent un avis.
Ça va de l’ananas « qui détruit les graisses » au régime hyper protidique, avec des sachets insipides, en général fort chers, type régime Dukan et depuis peu, le régime Nestlé, coach et livraison à domicile pour des programmes bikini, détox et autres...
Aborder le poids, c’est aussi aborder l’image du corps. La question de la cellulite revient souvent chez les femmes et j’ai plaisir à leur rappeler que la cellulite est un caractère sexuel secondaire chez la femme, donc tout à fait normal.
Il y a aussi la femme enceinte. Je me souviendrai toujours d’une femme qui un jour m’a dit : « Il me tardait d’accoucher tellement j’en avais assez de ne pas manger ce que je voulais ! Je ne mangeais pas de fromage à cause de la listériose, pas de poisson à cause du mercure, pas d’huitres à cause de l’hépatite A, pas de légumes crus à cause de la toxoplasmose... » Quel gâchis !
Je suis révoltée par ces nouvelles façons de manger n’importe où, n’importe quoi et n’importe quand, par cette malbouffe qui fait des surchargés pondéraux.
Il faut bien sûr parler régime chez les diabétiques, les patients qui ont trop de cholestérol ou présentent des maladies inflammatoires... des régimes qui tiennent compte de certains apports limités en sucres, matières grasses, lait, gluten... mais qui sont aussi réfléchis, équilibrés, bons et donc probablement mieux acceptés.
Je voudrais qu’on retrouve les vrais repas préparés, conviviaux, temps de plaisir, plein de saveurs — notre culture, quoi — même si se mêle au poisson un peu de mercure, aux légumes des pesticides, au poulet un peu de dioxine, puisqu’on ne peut pas trop faire autrement...


Prescrire un régime de saveur

par Evelyne Malaterre, Pratiques N°56, février 2012

Documents joints

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