Mathilde Boursier
Médecin généraliste
Marianne marche à petits pas, courbée, les yeux fixés au sol.
Marianne a mal au dos. Et dans les jambes et aussi aux pieds.
Marianne est triste. Elle dit qu’à cause de la douleur, elle ne peut plus rien faire, ni travailler, ni même s’occuper de sa maison et de ses enfants.
Marianne dit que ça ne lui ressemble pas, qu’elle a toujours eu de l’énergie à revendre, pour s’occuper de tout ça et de tout le monde. Jusqu’à il y a deux ans et ce lumbago qui n’en finit pas, qui n’est plus un lumbago, mais qui est devenu une fibromyalgie dans la bouche de la rhumatologue.
Marianne est en colère. Contre la douleur, contre son corps, contre la médecine et les médecins qui ne lui proposent rien hormis des cachets sans effet. Contre ce RIEN qu’on lui renvoie sans cesse « C’est rien, c’est dans la tête ». Mais elle, elle la sent tous les jours, cette douleur bien réelle à laquelle personne ne veut croire. Elle a fait tout ce que les docteur·e·s ont dit et même essayé la sophrologie, l’acupuncture… Ça lui faisait du bien, mais ça coûte trop cher.
Marianne veut qu’on l’aide, mais comment faire ? Sa médecin lui a donné une lettre pour le centre de la douleur de l’hôpital le plus proche. Après bien des hésitations (d’autres médecins, mais pour quoi faire ? Elle en a déjà vu tellement…), elle a pris rendez-vous. Des mois plus tard, Marianne va rencontrer une équipe. Des soignant·e·s qui vont l’accompagner pendant plusieurs mois et notamment un psychologue qu’elle voit tous les mois.
Marianne avait trop peur de passer la porte du Centre médico-psychologique : « Tout le monde dit que c’est dans ma tête, mais je ne suis pas folle » ; Marianne n’aurait jamais pu se payer une psychothérapie dans un cabinet libéral. Mais aujourd’hui, Marianne se tient bien droite sur sa chaise dans la salle d’attente et elle me regarde droit dans les yeux en me serrant la main…