Yves Grandbesançon
Médecin généraliste à La Ciotat
Sur les dériveurs de mon adolescence, on réglait les voiles avec des cordages appelés « écoutes ». Les écoutes permettent de faire évoluer le petit voilier sur la grande bleue, comme on veut, en les réglant. Ça gîtait, ça fonçait, c’était là, la jouissance.
L’écoute, il faut la régler en permanence en tenant compte de l’état du vent et de la mer et surtout du cap que l’on choisit.
C’est subtil, on dit que le voilier est dans ses lignes d’eau quand on sent qu’il donne le meilleur de lui-même.
L’écoute, dans la consultation, me fait penser toujours à cette image. Le dialogue singulier, c’est ce frêle esquif que le patient et le médecin essayent de faire évoluer sur ce drôle d’élément qu’est la vie.
C’est dire que c’est un travail permanent, car on ne peut pas frapper l’écoute sur un taquet pour la positionner. Il y a le vent et la mer, éléments extérieurs ; il y a le cap qu’on voudrait que la consultation suive… de temps en temps, on peut choisir du « près », c’est-à-dire remonter contre le vent, ça tape, on se fait mouiller et à la longue, c’est fatigant.
On peut choisir le vent arrière, on a l’impression qu’il n’y a plus de vent et qu’il y a un bon soleil, mais il n’y a pas grand-chose à faire. On peut aussi prendre le cap si le vent est trop fort, chavirer si on règle mal l’écoute ou tout simplement rester au port si on n’a pas envie de naviguer. L’allure la plus agréable est vent de travers, c’est là que les réglages d’écoute sont les plus fins et délicats. On sent quand le voilier est vraiment dans ses lignes d’eau.
Tout cela, c’est l’histoire d’une consultation qui avec tous ces aléas peu à peu prend du sens.
L’art de la consultation m’a toujours fait penser à l’art de la navigation. On ne sait jamais ce qu’il va se passer quand on prend la mer ou quand on commence une consultation, c’est toujours une nouvelle et belle histoire.
On ne s’en lasse pas, c’est pourquoi, j’aime toujours autant consulter et naviguer.