Sylvie Cognard
Médecin retraitée
- Combien celui-là ?
- 500 dollars
- Et celle-là ?
- 350 dollars
- Et le petit là, c’est son gosse ?
- Oui
- Combien ?
- 200 dollars
- Je te prends les deux pour 400.
- Top là pour 450
Un extrait de La case de l’Oncle Tom au XIXe siècle ?
Non, un marché aux esclaves quelque part sur la côte libyenne au XXIe siècle…
Des migrants originaires d’Afrique de l’Ouest transitant par la Libye sont vendus avant d’être soumis au travail forcé ou à l’exploitation sexuelle. Ils sont capturés alors qu’ils font route vers le nord, d’où ils comptent gagner l’Europe en traversant la Méditerranée.
La grande Bleue devenue un cimetière. Plus de 5 000 morts en 2016, combien en 2017 ?
Alors rien n’a bougé depuis deux siècles ?
Certes ces révélations qui ont fait la une ces dernières semaines ont provoqué un tollé d’indignation de par le monde. Comme après chaque image choc, l’indignation retombera.
Il suffirait de presque rien pour faire cesser l’innommable. Un peu de partage des richesses, un peu de courage, un peu d’intelligence, un peu d’humanité…
Les banquiers, les financiers, les dirigeants des multinationales, les politiques sans âme, les corrompus, les religieux de tout poil, les petits Papon, comment parviennent-ils à dormir tranquilles, à se regarder en face dans la glace le matin ?
Pendant qu’ils privent d’eau les réfugiés à Calais, qu’ils laissent à la rue nombre de mineurs isolés, qu’ils expulsent de leurs abris sommaires ceux qui vivent dans les squats, qu’ils déchirent des familles, qu’ils ferment leurs frontières, qu’ils condamnent pour délit de solidarité les « justes » dans la vallée de la Roya ou ailleurs.
Il suffirait d’imaginer une autre politique que celle qui engendre ces massacres.
L’ultralibéralisme et la société de marché ont transformé nos dirigeants en tueurs à gage à leur solde… En complices de cet innommable.
Envie de hurler, envie de vomir, bouleversée, je me chante Imagine avec John Lennon et, je continue à combattre ces monstres – et la société qu’ils façonnent – en compagnie de celles et ceux qui me ressemblent, avec nos seules armes, la solidarité et la capacité de penser.
Ils peuvent dire que je suis une rêveuse, mais je ne suis pas seule…
Il n’y a pas d’étranger sur cette terre…