Bernard Meslé
Médecin généraliste
Je travaille encore à temps partiel dans un centre de planification et d’IVG au CHU de Nantes. Jeudi dernier, à l’heure de la fermeture du centre, une femme accompagnée de deux hommes se présente sans rendez-vous : la quarantaine fatiguée, mal habillée et sans doute pas lavée depuis un certain temps (vit-elle dans la rue ?). Elle est agitée, ne tient pas en place et, me voyant dans le couloir, m’apostrophe : « Je veux une pilule du lendemain. » Je l’invite à voir la secrétaire pour établir un dossier (c’est la règle habituelle), mais elle reste dans le couloir, insistant sur la nécessité de lui donner tout de suite cette pilule, car elle n’a pas le temps d’attendre. Je fais une nouvelle tentative pour essayer de lui expliquer comment le centre fonctionne et que je la prendrai ensuite en consultation. Elle ne veut rien entendre, répète sa demande comme un leitmotiv, malgré l’intervention d’un de ses compagnons qui lui demande de se calmer et de m’écouter. Je m’aperçois alors qu’elle n’est pas dans un état très « normal » et l’invite à entrer directement dans le bureau de consultation, tant pis pour les formalités ! Nouvelles palabres ; très énervée, elle reste à la porte du bureau, bougeant sans cesse. Là, à nouveau, un de ses compagnons essaie de la calmer et de la persuader de m’écouter. Elle finit par entrer, mais ne veut pas s’asseoir et je ne réussirai pas à savoir le pourquoi de sa demande. Je vais donc chercher la contraception hormonale d’urgence et un verre d’eau : elle me demande alors avec suspicion si le comprimé que je lui donne n’est pas du sperme, puis finit par l’avaler et s’en va aussitôt ; je réussis juste à obtenir son nom et sa date de naissance. Je regarde alors sur le logiciel patients de l’hôpital : aucune trace d’un séjour en psychiatrie.