Philippe Bazin
Photographe
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- Extraits d’un entretien avec Jean-Charles Vergne pour le livre Éric Poitevin 1981-2014, Paris, Toluca, 2014.
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« J’ai commencé à faire de la photographie à l’âge de onze ans. J’étais en classe de sixième, délégué de classe (nous devions être en 1972) au collège de Longuyon, petite ville du bassin de Longwy où je suis né, quatrième enfant de Mme et Mr Poitevin Jean, charcutiers.
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Dès la seconde en fait, la photographie est alors devenue ma bouée. Sur l’incitation d’un ami, plus âgé lui aussi, nous avons créé un photo-club au sein d’une Maison des Jeunes et de la Culture. Maison toute neuve concentrant de nombreuses activités et les jeunes gens de ma génération à forte personnalité. Là était ma véritable école. Je montrais mes images dans des expositions/concours qu’organisaient diverses associations (de cheminots le plus souvent) dans les villes du bassin de Longwy comme Villerupt et surtout Herserange. Un jour où je m’attendais à être rudoyé par mon professeur de physique, Mr Astruc, au regard de mes résultats, celui-ci m’a au contraire félicité pour… mes photographies.
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Vivre ici [à la campagne] vous met forcément à distance des événements, du spectaculaire. C’est une sorte de vide mais qui est plein si on change de niveau de lecture... Si vous décidez de ne voir que de l’herbe, vous vous ennuierez. Si vous herborisez, un monde complexe vous apparaîtra. C’est plutôt ma façon de voyager.
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Lorsque le travail ne renie rien du contexte dans lequel vit son auteur, que celui-ci vit pleinement son environnement, ses origines et en même temps les transcende… c’est une sorte de miracle ! Beaucoup d’artistes pensent que le déplacement géographique (voire la rupture sociale) est une des conditions d’apparition et de développement du travail.
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Je ne pense pas que la photographie (et la mienne en particulier) rejoue une histoire de la peinture. La peinture, me semble-t-il, a définitivement changé de trajectoire avec l’apparition de la photographie et la photographie doit avoir la sienne propre. Je pense par exemple à la dernière exposition monographique de Courbet dans laquelle la photographie était là (certes de manière encore insuffisante à mon goût) pour contextualiser l’œuvre et démontrer son incidence sur son œuvre. Il serait peut-être intéressant d’imaginer une exposition sur le tribut apporté par la photographie à la peinture depuis son apparition.
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Il ne s’agit pas pour moi d’esquiver la peinture. J’ai une relation réelle et forte à celle-ci tout en me sentant résolument photographe et sans aucun complexe, gaiement. Je fabrique des images qui répondent très souvent à d’autres images appartenant à l’histoire de la photographie.
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Ma relation à ce que je regarde est basée sur le temps… Alors le bœuf n’est rien d’autre qu’un bœuf, mais un bœuf tout de même… Il y a dans la photographie quelque chose de vulgaire et pas de dieu. J’ai l’impression que c’est une activité forcément païenne, hérétique même !
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J’ai tendance à penser que tout peut faire sujet. Finalement, je décompose les différents éléments de mon biotope. Cela devient peut-être intéressant lorsque j’ai l’impression d’en avoir épuisé toute l’offre. Changer d’environnement pourrait être une solution, ou alors réinterroger ce que j’ai déjà interrogé, regarder une fois encore. C’est peut-être là que le sujet n’est plus qu’un prétexte, qu’il devient image. Flirter avec l’ennui ne me déplait pas, et c’est une menace à la campagne…
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Il est vrai que la photographie a une sorte de capacité à stopper la décomposition tout comme la congélation. J’ai éprouvé à ce propos une sensation étrange, presque troublante. »
Extraits d’un entretien avec Jean-Charles Vergne pour le livre Éric Poitevin 1981-2014, Paris, Toluca, 2014.
Dernières expositions :
2014-2015 FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand,
2014 Le Chemin des hommes, LAM, Lille,
http://www.peterfreemaninc.com/artists/eric-poitevin/