Marc Jamoulle
Médecin de famille
Au téléphone ce matin avec un de mes amis. Il a vu son cardiologue et son médecin traitant récemment.
Je lui explique que les médicaments qu’il doit prendre pour son cœur sont excellents, nécessaires et dangereux.
Je lui dis que le cardiologue et le médecin traitant auraient pu lui demander s’il a fait de l’asthme. Oui il en a eu, enfant, alors le Bisoprolol® (bêtabloquant) pourrait lui donner des problèmes. J’explique.
Il a reçu du Xarelto® (rivaroxaban), un anticoagulant très à la mode, et il travaille beaucoup dans le verre. Le médecin ne lui a pas dit qu’il allait saigner beaucoup s’il se coupait. Je lui explique que nous n’avons pas d’antidote pour ce « médicament » qui empêche le sang de coaguler. Il doit donc mettre des gants et prévoir le nécessaire pour les soins de plaies, arrêter le produit tout de suite s’il saigne beaucoup.
Tant qu’à faire, comme je sais qu’il va recevoir de la Cordarone® (amiodarone) pour soigner son cœur, je lui explique qu’alors il faudra bien veiller à surveiller la thyroïde tous les trois mois. Il s’étonne, me demande les risques. Évidemment, je ne peux m’empêcher de lui dire que mon frère en est mort, pas du produit, mais de la négligence des médecins qui ne lui ont pas fait l’arrêter en temps utile. Un de mes patients vient aussi d’être thyroïdectomisé pour hyperthyroïdie non maîtrisable à cause du même médicament.
Il rigole et me dit que je suis le premier médecin qui parle ainsi de son métier. Je lui dis que quand on a des risques et une maladie grave, on doit prendre des médicaments qui sont potentiellement dangereux. C’est donc risque pour risque. Le patient doit le savoir et comprendre ce qu’il fait pour veiller au grain lui-même [1].
Je lui explique que ce sont sûrement les mêmes armées de psychologues au service de l’industrie, qui du tabac, qui des médicaments, qui ont travaillé la cible au corps pour faire croire que leurs produits ne sont pas dangereux. Les fumeurs et les docteurs pensent la même chose, c’est bon donc ce n’est pas dangereux.
Futé, il me dit alors : « Au fond, toi, tu es un contrefacteur, un "contre-docteur" »
Si faire la médecine en réfléchissant à ses conséquences c’est être un contre-docteur comme on dit contre-culture [2], alors oui, je suis un contre-docteur.