Quand le domicile devient lieu de soin

Le père de Dominique est passé en HAD (1) après un AVC (2) avec hémiplégie gauche et aphasie régressive en juillet 2004. Il est sorti de l’hôpital le 4 décembre 2004 en HAD jusqu’au 16 août 2005 et a refait un séjour d’un mois en médecine interne pour répit familial. Ces neuf mois ont été très lourds pour Dominique, aide-soignante de nuit à l’hôpital. « Ma mère m’a fait promettre de m’occuper de lui avant de mourir, je me vois mal le placer tant qu’il a toute sa tête ». D’ailleurs, il refuse le placement en maison de retraite et tyrannise sa fille. « Le matin, quand je rentre, il me sollicite toute les heures et ne me laisse pas dormir. Le problème tient à ses exigences énormes, 24 heures sur 24. Je suis clouée chez moi, je ne sors plus, je n’ai plus de vacances alors que je voyageais énormément et surtout, il me persécute. Ce n’est pas une vie ». « Je dors très peu et je ne récupère pas. » Le reste de la famille ne participe pas du tout, Dominique est donc seule pour tout assumer. Quand elle travaille, elle prend une garde la nuit de 19 heures à 7 h 30 le matin. « Il n’y a pas d’organisme de nuit, il faut donc passer par les petites annonces, ce qui n’est pas très fiable. J’ai eu des problèmes avec quelqu’un qui buvait du whisky... tu deviens employeur.., il a fallu que je la licencie et que j’embauche quelqu’un d’autre. Quand je rentre le matin, je suis obligée de m’occuper de lui, de lui faire prendre son petit-déjeuner, Il y a toujours quelque chose. Je suis obligée de le changer s’il a des selles, plus la lessive qui va avec, j’ai souvent les mains dans la merde. » A la maison, il a fallu condamner la salle à manger pour installer le lit médicalisé le fauteuil et la table.

La prise en charge de l’HAD se résumait à la toilette par une aide-soignante, 25 à 30 minutes matin et soir et à une infirmière trois fois par semaine pour le pouls et la tension artérielle. Le système mis en place maintenant, l’ADMR (3), est beaucoup mieux adapté. L’aide-soignante vient 1 heure le matin et 30 minutes le soir. Le médecin généraliste qui le prend en charge vient dès qu’il y a le moindre souci, le kiné trois fois par semaine, l’orthophoniste deux fois. C’est bien conçu, mais les aides sont insuffisantes, c’est trop dur pour la famille.
A la deuxième tentative d’hospitalisation pour répit, dans le service où travaille Dominique, il s’est conduit de manière impossible avec tout le monde, il voulait rester chez lui. Il a été accepté malgré son comportement, mais il refusait de manger, appelait sans arrêt l’équipe qu’il usait.

L’aide ménagère, gérée par les services sociaux de la mairie, vient deux fois par semaine. Le système convient très bien au patient, mais a démoli la vie de sa fille. « Tant qu’il était autonome, tout allait bien, mais cette vie là est trop difficile. Je suis obligée de trouver quelqu’un pour pouvoir faire les courses, aller chez le coiffeur. Heureusement, deux de mes collègues viennent parfois me relayer pour que je puisse bouger. C’est dommage, mais cette épopée a considérablement dégradé nos rapports et j’en ai marre ». « Ma voisine assure l’intérim jusqu’à l’arrivée de l’aide-soignante du matin, car, lorsque je travaille, je rentre à huit heures et demi. A domicile, il faut tout gérer, le labo, la pharmacie, Il faut ajouter le coiffeur, la pédicure, les consultations, les transports, tous les repas... Je suis contente d’aller travailler à l’hôpital... je revis, cela me permet de décompresser. Les soins à domicile c’est bien s’il y a une famille suffisante pour se relayer sinon c’est trop lourd. »

1. Hospitalisation à domicile.
2. Accident vasculaire cérébral.
3. Aide à domicile en milieu rural.

par Dominique Cuchi, Anne Perraut Soliveres, Pratiques N°35, novembre 2006

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