Patrick Dubreil ,
médecin généraliste
J’exerce à la PASS [1] à Nantes depuis huit ans, je n’ai jamais témoigné de ça par écrit, ça va trop vite, d’un pays à l’autre ou d’une consultation à une autre, célibataires ou en famille, unie ou séparée, on reçoit des tchétchènes, des gens de République démocratique du Congo (ex Zaïre), en passant par les Tunisiens, les Roms, les Algériens, les Arméniens, les Mongols ou les Français, jeunes en rupture familiale, ou après sortie de prison. Ces pays couvrent des réalités bien différentes. On n’en perçoit pas grand-chose, mais on devine la violence subie... La réalité du statut de demandeur d’asile vient se surajouter aux réalités effroyables des pays quittés. L’infinie détresse se présente sans mots, elle se lit sur un visage blême, triste, sur une bouche morte et silencieuse... Alors, prendre la tension, ausculter cette personne, c’est notre rôle, c’est comme lui tendre la main. Elle nous en est reconnaissante. Pour décrocher un léger sourire, je lui dis souvent à la fin : « Welcome, bienvenue en France », et si ça accroche, « ... malgré les lois de ce gouvernement... mais ça va changer bientôt ».