Sylvie Cognard
Médecin généraliste
Le 4 février 2012, le personnel de l’hôpital général de Kilkis, en Macédoine centrale, au nord de Thessalonique, prend la décision d’occuper l’établissement et de le déclarer en autogestion. En assemblée générale, ils font une déclaration en huit points. Ils reconnaissent que les problèmes actuels et durables du Système national de santé ne peuvent être résolus par des revendications spécifiques, sectorielles et isolées. Que les revendications particulières font le jeu d’une gouvernance brutale visant à l’appauvrissement social généralisé et que c’est collectivement qu’il faut y faire face. Ils remettent en cause la légitimité politique et la légalité du pouvoir en place, pouvoir qu’ils jugent arbitraire, autoritaire et antipopulaire. Ils veulent garantir des soins de santé publique gratuits à la population, en répondant au totalitarisme par la démocratie. Ils ont donc décidé d’occuper l’hôpital public et de le mettre sous le contrôle direct du collectif. Ils s’engagent à ce que chaque décision soit prise en assemblée générale.
Au-delà du fait que la situation sociale des soignants est intolérable et rend leur quotidien de plus en plus difficile, on peut imaginer l’exaspération, la révolte et l’indignation des salariés vis-à-vis des transformations imposées par le pouvoir à l’essence même de leurs métiers de soignants pour qu’ils en viennent à prendre une telle mesure.
Un mouvement de solidarité avec les hôpitaux grecs en lutte se constitue en France. Par ce biais, on apprend le 12 mars que ce sont quatre hôpitaux grecs qui sont occupés par les salariés, dont deux se sont déclarés en autogestion. Les choses évoluent très vite : les autorités ont mis fin à l’occupation de l’hôpital de Kilkis pendant que les soignants étaient en train de faire leur boulot auprès des patients.
L’exemplarité de cette action se trouve bien dans la réflexion politique collective face à la situation nationale et internationale. Ces actions résument les constatations faites, que partout les inégalités se creusent de façon abyssale, que partout les droits les plus élémentaires de l’être humain régressent. Par leur attitude de résistants face à la dictature mondiale de la finance sur l’humain, les soignants de l’hôpital de Kilkis défendent les droits de l’Homme et, plus particulièrement, celui du droit à la santé et de l’accès aux soins.
Leur désobéissance à participer à une entreprise mortifère, leur courage à la prise de leur responsabilité de citoyens les honorent, quelle que soit l’issue de leur mouvement. Au sein de la « crise », des processus apparaissent pour mettre en œuvre de nouvelles formes d’accès aux soins. Même si ces formes ne sont encore que balbutiantes ou embryonnaires, des choses s’inventent et se construisent autrement dans le sens de nouvelles solidarités en cette période de crise et nous donnent des raisons d’espérer.