Un environnement pas si défavorable

Note de lecture présentée par Françoise Acker

« Démographie des professions de santé et accès aux soins : exemple de la zone d’emploi de Morteau », Rapport Observatoire Régional de Santé de Franche-Comté, 2003, 88 p. [1]

Il y a presque dix ans, l’Observatoire Régional de Santé de Franche-Comté entreprenait une étude pour connaître le point de vue des professionnels de santé libéraux, des élus, des responsables de structures de soins et des habitants sur la situation de l’offre de soins dans la zone d’emploi de Maîche-Morteau [2], considérée être dans une situation défavorable : densité médicale inférieure à la moyenne régionale, éloignement des pôles hospitaliers et proximité avec la Suisse qui capte les jeunes infirmiers. L’enquête s’est faite par questionnaires et/ou par entretiens, téléphoniques ou de vive voix.

Un quart des médecins, trois quarts des infirmières sont originaires de la zone d’emploi. Cet ancrage dans le territoire explique que les professionnels restent dans un secteur qu’ils connaissent et apprécient, malgré un certain isolement, un climat rude en hiver et des conditions de déplacements à domicile difficiles.
Les médecins généralistes et les masseurs-kinésithérapeutes travaillent en moyenne cinquante-neuf heures par semaine, les infirmiers quarante-quatre heures. Un tiers des médecins généralistes et des infirmiers effectuent des visites à domicile à plus de 20 km. Les médecins trouvent que la fréquence des gardes est trop importante et 40 % des généralistes considèrent que la régulation des urgences, l’insuffisance des transports sanitaires et l’étendue du secteur de garde peuvent poser problème. Pour tous, le problème principal est de trouver un remplaçant pour les congés et quelqu’un pour leur succéder. Les infirmières souhaitent s’associer à̀ un autre professionnel, mais rencontrent des difficultés pour le faire. Peu de médecins et infirmiers sont rattachés à un réseau, mais les médecins souhaitent qu’ils se développent.

Si deux tiers des médecins considèrent qu’ils sont assez nombreux, plus de la moitié des infirmiers et l’ensemble des masseurs-kinésithérapeutes considèrent qu’ils ne sont pas assez nombreux. Le manque d’infirmiers induit une surcharge de travail pour les libéraux. Les élus, les responsables de structures de soins sont très sensibles aux répercussions en chaîne du manque de certains professionnels. Le manque de médecins renforcerait le manque de services de santé, qui induirait une perte d’attractivité des villes concernées. Or les professionnels de santé prennent aussi en compte l’environnement social, culturel et le marché de l’emploi pour s’installer. En raison de la pénurie d’infirmiers, un Service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) a été sur le point de fermer plusieurs fois, un autre a moins de problèmes parce que les infirmiers et les aides-soignants sont salariés de l’hôpital, ce qui est plus attractif.

À côté du recours à̀ des incitations financières pour parer aux difficultés de recrutement, une solution envisagée serait d’encourager des jeunes originaires de ces cantons à̀ entreprendre des études de médecine ou de soins infirmiers, en leur faisant connaître les atouts d’un exercice rural (par information et stages), gratifiant et de qualité, et en leur proposant des bourses d’études. Dans cet environnement défavorable – selon les indicateurs –, les professionnels de santé apprécient un exercice varié, de bonnes relations entre professionnels, des relations de confiance avec les patients et leur entourage, une reconnaissance de leur compétence et sont dans l’ensemble satisfaits de leur situation. Les habitants sont quasi unanimes à̀ déclarer qu’ils ne rencontrent pas de problème de recours aux soins, à part aux spécialistes parfois trop éloignés et dont les délais de rendez-vous sont trop longs (ophtalmologues, pédiatres, dermatologues). Si les femmes sont suivies à̀ 60 % par un gynécologue, un certain nombre se font suivre par des médecins généralistes. Les habitants se sentent très bien soignés (50 %), bien soignés (43 %), et, pour la moitié, aussi bien, sinon mieux soignés que dans une grande ville.


par Françoise Acker, Pratiques N°60, février 2013

Documents joints


[1Le numéro 5 de Objectifs Santé en Franche-Comté, de février 2004 (4 pages), reprend les résultats de cette étude et les complète par des préconisations.

[2Cette zone comprend quatre cantons : Morteau, Maîche, Pierrefontaine-les-Varans, le Russey.


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