Célia Sciuto
Médecin
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- Homme, 52 ans, ancien gendarme, magasinier cariste, chômeur [1]
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Mon médecin m’avait fait un courrier pour un… médecin généraliste, mais qui fait des consultations d’addictologie… et je n’y suis jamais allé parce qu’on se croit plus fort que tout le monde. On connaît nos problèmes, on peut les accepter et en parler, ou alors on fait l’autruche : on met la tête dans le sable et puis, dans ces cas-là, y’a personne pour vous aider… La vie a passé, j’ai pas jugé utile de lui dire, c’est pas que je m’en sois caché, c’est pas mon souhait de m’en cacher… J’avais cessé d’boire donc euh… c’était fini, pour moi le problème était réglé, je voyais pas la nécessité de dire au docteur : « Ben écoute donc, ton courrier, il a fini à la poubelle. »
Alors c’est vrai que pour avoir un rapport avec mon médecin, c’est assez difficile, dans ce sens où il a son opinion et qu’il est très directif. Il est très : « J’ai décidé. Tu dois faire. Il faut que. ». C’est comme le courrier : « Voilà, j’te fais un courrier, t’iras voir. » On prend le courrier, on sort et puis on dit : « Attends, déjà j’fais c’que je veux, déjà on va commencer comme ça. »
Il a rédigé son courrier, voilà, tac, telle adresse, au revoir merci. C’est moi qui l’ai lu en arrivant à la maison. Il me l’a pas lu, on n’en a pas parlé, on l’a pas commenté… Ça n’aurait pas changé grand-chose, mais si au fur et à mesure de la rédaction de son courrier, il m’avait dit : « Voilà c’que j’explique à mon collègue, voilà ce dont tu as besoin, je pense qu’il faut que… », bah j’aurais trouvé que… que la conversation aurait été plus ouverte. Le problème, avec mon médecin, c’est que j’ai l’impression qu’on est tous des enfants. C’est-à-dire on est tous inaptes à comprendre… On aurait pu avoir, le temps qu’il rédige son courrier, je ne sais pas moi… comme un échange, déjà préalable. J’aurais pas eu l’impression qu’il repassait le ballon en touche, j’aurais eu l’impression au moins que mon médecin se préoccupait de ma santé…
De toute façon, si je veux en sortir, faudra bien que j’en parle à un médecin, mais avec lui, c’est mon impression, je me dis que c’est inutile.
Voir aussi Taire ce qui n’est pas entendu – n° 1