Lanja Andriantsehenoharinala
Médecin généraliste
Depuis deux ans, Nicolas et moi sommes parents. Enfin, nous apprenons à faire les parents. Au départ, je me sentais confiante, je crânais même à l’intérieur : je me sentais forte d’avoir vu ma mère s’occuper de mes quatre frères et sœurs. Et puis j’étais auréolée par ma moitié des lauriers du savoir médical qui ont le pouvoir magique de repousser l’anxiété face aux bobos, aux détraquements du ventre, aux poussées de fièvre, aux pleurs nocturnes. Mais très vite, on a quand même buté sur un os… puis deux… puis trois : pourquoi notre bébé prend si peu de poids ? Pourquoi elle ne dort que dans nos bras quand les autres semblent dormir comme des adultes en fermant gentiment les yeux aussitôt allongés ? Et maintenant, pourquoi se réveille-t-elle toutes les nuits et demande de manière interminable à lire des livres ? Finalement, alors qu’en consultation, je trouvais que parfois les parents manquaient cruellement de bon sens, je passe des heures devant mon écran d’ordinateur à chercher des informations sur le Net pour répondre à l’interrogation ultime : « Est-ce normal ? ». Nicolas s’abstient soigneusement d’aller sur la toile. Moi, je commence par des sites qui déroulent le développement psycho moteur habituel d’un enfant ; puis je farfouille dans les forums et les blogs de mamans (rarement de papas) pour capter les exceptions, les bébés « à besoin intense » (BABI, sic !) etc. Bref je cherche dans la diversité de l’existant quelque chose qui me ressemble et me renverrait une image rassurante : « Oui, ça existe, c’est possible ». Ouf ! Puis je finis par surfer sur des sites auxquels je fais confiance parce que j’y ai lu des informations alternatives et qui parlent d’éducation bienveillante. Alors je croise tous mes grapillages, je fais une synthèse à Nicolas et nous mettons sur pied notre nouvelle stratégie. Après ça, j’appelle ma mère.