On a visité pour vous… Soutenir. Ville, architecture et soin

Éric Bogaert,
Psychiatre retraité

Cette exposition se tenait au pavillon de l’Arsenal à Paris, du 6 avril au 25 septembre 2022. Son intérêt résidait moins dans ce qui était exposé, des photographies de documents, plans, bâtiments… que dans la façon dont l’exposition était présentée, son architecture et l’urbanisme de la circulation proposée entre ses différentes perspectives. Et s’il est trop tard pour la visiter, son catalogue [1], volumineux (304 pages au format 25 cm x 30 cm) et beau, rassemble la plupart de ces illustrations, selon la même architecture, en soutenant 7 perspectives retenues par deux textes chacune (résumés ci-dessous dans les paragraphes en retrait précédés d’une puce) qui en développent et articulent la construction. Puisse ce compte rendu, reprenant le plan du catalogue, restituer fidèlement cette intention, plus qu’à simplement décrire l’exposition ou en résumer quelques idées-force.

Soutenir

L’actualité, bien sûr, se retrouve en prétexte ; les urbains fuient une ville devenue inhospitalière, voire malsaine, avec la pandémie. Mais elle rencontre l’histoire, la reconstruction de l’Hôtel-Dieu selon des nécessités médicales après son incendie en 1772, et l’éloignement du danger que représentent contagieux et insensés du cœur des villes. Et bien entendu, le sujet et la personne de la commissaire de l’exposition, Cynthia Fleury, faisant, on naviguera entre care (« Le care fait notamment référence à l’approche holistique de la santé, celle qui prend en considération la personne et son milieu de vie, institutionnel ou naturel ») et soin. Et pour justifier « soutenir » : « L’histoire du soin, et l’histoire des lieux du soin qui l’accompagne, est une histoire de soutien ; l’histoire des lieux et des architectures qui nous tiennent et nous soutiennent, plutôt qu’ils nous détiennent ou nous contiennent — même si l’histoire de ces lieux-là, ceux contenant plutôt que tenant, est à raconter en même temps, puisque c’est souvent la même. »
Cette histoire sera traversée via 7 chemins : distances – « entre la santé et la maladie, la ville et ses lieux de soin » –, éléments – « territoires qui sont soignants (ou non soignants) avant de devenir architecture ») –, formes – « celles que prend l’hôpital, et plus généralement, l’institution du soin » –, frontières – « traçant tant bien que mal les limites des gestes et des lieux du soin, du plus intime au plus public » –, nécropoles – « pour parler du soin que nous portons aux morts » –, hétérotopies – « architectures alternatives dans lesquelles (et grâce auxquelles) s’inventent d’autres formes de soin » –, enfin inhabitables – « territoires malades dans lesquels l’architecte doit se résoudre à prendre en réparation le monde, par fragments, comme il lui vient (Francis Ponge) ».
Et « sans oublier ce que peut faire l’institution lorsqu’elle croit à la capacité du milieu à soigner », nous accompagnerons ici ou là Jean Oury, Lucien Bonnafé, Frantz Fanon, et Fernand Deligny.

La proposition : dans un texte riche, pas toujours évident – du fait de zones où le propos semble peiner à distinguer les plans, pour raccourcir ou par « butées » d’une pensée logique révélant « le monde fait à la mesure » des auteurs du texte –, mais ouvrant de nombreuses pistes de réflexion, imprévues voire iconoclastes, les auteurs exposent le prétexte de l’exposition. Qu’en est-il des rapports entre architecture et soin, dans les dimensions de la cure et du care, survolés dans le long résumé qui suit, de ce texte long mais ramassé, le texte ne valant que dans le contexte.

  • La butée architecturale (Cynthia Fleury et Éric de Thoisy)
    S’appuyant sur Lacan et sa notion de « butée », et sur l’ONU et les hotspots de la biodiversité, les auteurs prennent le parti de s’intéresser à ce qui manque là où le réel fait butée, ce qui tombe dans le trou de la méconnaissance, à une « clinique du lieu », plutôt qu’au lieu lui-même, à ce qui fuit dans la perspective du savoir. Autrement dit, les constructions architecturales, et l’urbanisme qui en découle et les suscite, matérialisent les points de butée de la pensée/connaissance de son espace, environnement, biotope, par l’homme. Ces points de butée sont donc concrétion concrète des limites de cette pensée, trous y indiquant où il y a faille, manque, défaut, lieux où le vulnérable de la vie résiste à l’ordonnancement du pouvoir.
    « Les lieux de psychiatrie ont porté assez haut cette exigence de la ‟clinique du lieu” », à « considérer un ‟lieu”, notamment un lieu de soin, comme ‟un processus de stabilisation de mouvances pulsionnelles et émotionnelles qui permet la création de formes psychiques douées de stabilité structurelle” » [2] dans « l’espace capitaliste (qui) avance et subsiste en déstabilisant ce qu’il trouve sur son passage, en effaçant tout bord et tout relief pour laisser le champ libre à la circulation des flux, au ruissellement non entravé des liquidités. » (on pense là à Zygmunt Baumann et sa « société liquide »).
    À une oscillation entre vulnérabilité et autonomie, l’architecture (éloignement/rapprochement du cœur de la cité) comme le soin (protection, rétablissement) superposent des formations matérielles mais aussi plus « psychiques » : réassurance, soutènement (Hermann Broch), holding, handling (Donald Winnicott), élaboration imaginative, fonction alpha (Wilfred Bion), fonctions phoriques, sémaphorique et métaphorique (Pierre Delion), enveloppe extérieure et enveloppe psychique, ambiance (la psychothérapie institutionnelle : François Tosquelles, Jean Oury, Félix Guattari), éco-phénomalité (Bruce Bégout), avec une mention dans une note à celui sur qui « ces travaux s’appuient largement » Hermann Simon [3].
    Cette oscillation politique entre circulation des flux et stabilité, sanitaire entre vulnérabilité et autonomie, évoque ces constructions de Maurits Cornelis Escher où par des jeux de perspectives on passe d’un niveau, d’un monde, à un autre sans rupture. Ce texte suggère, de ce point de vue mais aussi de divers autres, une perspective logique qui reste à penser, comme le propose la conclusion de cette note de lecture : comment faire tenir ce qui doit correspondre aux attentes de l’humanité et pourtant partage, et est partagé par, chacun et la communauté.
    « Dès lors, une ville s’édifie, se constitue en tant que cité-providence, par le fait même de mettre en œuvre une certaine philosophie de l’architecture des lieux institutionnels du soin : si celle-ci s’est d’abord constituée comme ‟dispositif technique”, la rationalité scientifique étant l’outil par excellence de la première industrialisation et émergence de la question sociale, elle s’est par la suite structurée autour de l’ouverture, de la déstigmatisation, de l’insertion sociale, et de l’humanisation des rapports organisationnels et des lieux. ». Faut-il y voir un espoir dans l’évolution de la conception actuelle, néolibérale, de la société ?
    Mais si dans les années soixante-dix « des ‟lieux” tenant les sujets se sont alors édifiés, profondément exemplaires de cette démarche phénoménologique, psychodynamique et sociothérapeutique, issue de la psychiatrie désaliéniste », à voir la tournure de cette évolution, ne faut-il pas craindre qu’il ne s’agisse que d’un monument à la gloire de ces glorieux anciens, honorés pour que leur œuvre soit au plus vite enterrée avec eux ?
    L’architecture, des lieux comme des dispositifs de soin, « pense trop peu les partis pris de la domination…, interroge insuffisamment les conduites d’évitement du soin en tant que praxis de résistance et productrices d’une autre forme de besoin, celui de l’émancipation, ou encore, comme chez Frantz Fanon, la décolonisation de l’être, véritable objectif du soin, prise au piège de l’institution médicale coloniale… il s’agit d’éviter les deux écueils suivants : se soucier des dominants, est-ce encore du soin ? et comment se soigner à l’intérieur d’une structure de domination ? ». Au contraire, Oury travaillait l’ambiance – « les entours, les enveloppes, les bords… », à la recherche de butées auxquelles « l’individu puisse se raccrocher » –, et Deligny les lignes d’erre – « pratiques de l’espace qui procèdent comme par tangences… chevêtres… à la quête d’une butée spatiale là où le langage a buté… » –.
    L’architecture serait à la recherche d’un langage qui ne « s’appuierait pas sur les questionnaires, les tables de population et les taux de mortalité », et qui précéderait le langage, « glissant… de l’objet habité vers le sujet habitant ».
    La question du trauma est aussi posée, également riche de pistes de réflexion ici suggérées : comment traiter les traces traumatismes, inscrire le temps, l’histoire, la mémoire, donner à comprendre et dépasser le trauma, éviter sa répétition… : comment reconstruire les villes allemandes après la guerre sans faire « comme si aucune catastrophe ne s’était produite » (Mitscherlich), « faisant barrage à la ‟guérison psychique” de la société » ?
    Il est nécessaire de reconnaître, et plus encore d’accepter, la vulnérabilité, notre vulnérabilité, « l’obsolescence de l’homme », « pour faire du soin un fondement des organisations ». L’architecture a un rôle d’archive à y jouer, habitable, et esthétique, mais plus encore « qui touche à ce qui fait histoire : comment, collectivement et individuellement, chacun participe à une fabrique civilisationnelle, s’inscrit dans un paysage mental qui viendra valider tel ou tel possible ».
    « L’architecture se trouve face à un défi de taille, sans doute le plus sensible, et le plus immédiatement expérimentable, celui d’aménager le monde pour qu’il nous permette d’‟atterrir”, selon l’expression latourienne [4] ».

Les chemins

Distances
Les premiers hospices étaient au centre de la ville, comme un soutènement de celle-ci.

  • L’hôtel-Dieu, à l’abri des regards ? (Lucie Taïeb, écrivaine) :
    L’Hôtel-Dieu, au cœur de Paris, asile pour vagabonds et malades, dévasté par 2 incendies à la fin du XVIIIe siècle, devait être reconstruit, afin que l’air circule là où vivent les malades selon la doctrine hygiéniste qui prévalait à l’époque, sur l’île aux Cygne, ancienne triperie, puis déchèterie de la ville. C’était cacher la misère, éloigner la maladie, et désencombrer la ville.

Mais la ville a rejoint ses périphéries, et recentré ses structures fonctionnelles : CHU (Centre hospitalo-universitaire) puis GHT (Groupement hospitalier territorial), la rationalisation de l’espace du soin a produit une désertification médicale dans les espaces périurbains et ruraux.

  • Le territoire contre le local. Pourquoi l’aménagement du territoire est bon pour la santé ? (Frédéric Pierru, chercheur en sciences sociales et politiques, CNRS-Arènes) :
    L’État français se désengage des services publics, laissant les élus locaux impuissants en matière de santé, compétence d’État. Les ARS (Agence régionale de santé) peuvent prendre les décisions structurantes, mais c’est la CNAM qui a la main sur la médecine de premier recours. Les jeunes médecins s’installent dans les zones urbaines et bourgeoises. L’État tente de rependre en main l’hôpital. Le territoire s’oppose au local, et, prix d’une stratégie budgétaire aberrante de régulation de la démographie des professions de santé, la désertification médicale, pas encore de grande ampleur, risque de s’aggraver. Mais les soins médicaux ne représentent que 11 à 15 % de l’état de santé d’une population, le reste tenant aux conditions de travail, de logement, à la qualité de l’alimentation, du lien social, aux inégalités… Il faudrait une approche globale des problèmes de santé publique associant l’ensemble des acteurs.

Cette relégation urbaine s’est redoublée d’une relégation architecturale : les lieux de soins ont été conçus sur le modèle panoptique imaginé par Bentham pour les lieux de détention.
Mais cette distance spatiale représente aussi et met en acte une distance normative entre normal et pathologique (cf. Canguilhem), qu’on retrouve actuellement par exemple dans la politique de prise en compte des consommateurs de cracks dans Paris, ou la destruction de la politique de secteur psychiatrique [5]. L’architecture s’est progressivement formalisée comme un outil médical et normatif s’adressant à un corps sain (cf. l’inaccessibilité de la ville aux handicapés, le Neufert et le Modulor de le Corbusier, tables des normes spatiales calibrées en fonction du corps idéal d’un habitant normal).

Éléments
L’eau, l’air, la lumière, sont des éléments non architecturaux qui structurent une approche sanitaire qui font de l’architecture une discipline médicale pour soigner la ville. Mais la ville, en retour, contamine d’autres espaces aux alentours.
Dès Hippocrate, puis Vitruve, le soin est synonyme d’assainissement, de salubrité, que l’architecture doit prendre en compte.

  • Le lit à l’ère de la covid-19 (Beatriz Colomina, Historienne et théoricienne de l’architecture) :
    Pour s’assurer de la salubrité d’un lieu où installer une ville, Vitruve recommandait de sacrifier un animal et d’inspecter son foie. Alvar Aalto a abandonné son style néoclassique pour des lignes horizontales, épurées, lorsqu’il a réalisé son premier projet de sanatorium ; alors malade, et alité pendant une période prolongée, il a compris qu’il fallait penser le bâtiment pour l’individu horizontal et non vertical : « les réactions physiques et psychologiques particulières des patients fournissent de bonnes pistes pour les logements ordinaires ».
    La médecine moderne s’intéressant à l’invisible (inconscient, rayons X, bactéries) l’architecture moderne s’est également tournée vers l’invisible ; la menace ne vient plus de l’extérieur mais de l’intérieur.
    Les logements ont été enlevés des ponts de Paris en 1785 pour éviter que l’air y stagne, au XXe siècle les logements sont aérés, l’exposition à la lumière donne naissance à l’immeuble en gradin, et avec la Covid et le changement climatique la logique d’aération et de régulation thermique prennent de l’importance.

La ville comme système dynamique des fluides s’appuie sur une conceptualisation similaire du corps humain.

  • La ville et les familles de la défense microbienne à la fin du XIXe siècle (Georges Vigarello, directeur d’études à l’Ehess) :
    À partir du XVIIIe siècle, il en est pour l’air comme pour l’eau : traque des lieux confinés, élargissement des rues, déplacement des cimetières, découronnement des ponts… Au XIXe, la théorie contagieuse du choléra est passée sous silence, il faudrait interrompre les flux humains, ce qui nuirait à l’économie. L’épidémie s’étend aux lieux et populations de la pauvreté. La circulation de l’eau est encore envisagée comme la panacée, devant arriver « épurée » et partir « brouillée » ; le drainage doit être protégé pour être protecteur, captation des eaux claires (canalisation de l’eau de ville), perte des eaux usées (égouts).

Au temps de l’hygiénisme, la ville est considérée comme corps à soigner et l’architecture comme discipline médicale.
L’éloignement des déchets de la ville pour l’assainir produit des espaces pollués dans sa périphérie, envers du soin ; l’invisibilisation est devenue intenable et inefficace, sans cesse à repousser.

Formes
L’évolution de l’hôpital et de son architecture reflète l’évolution du soin : de lieu de sommeil (hostel) il est devenu « machine à guérir » (Foucault, reprenant Tenon). Mais d’autres modèles reconsidèrent la subjectivité et l’aspect relationnel (psychiatrie).
Dans l’antiquité, les malades dormaient dans le temple de guérison, et leurs rêves permettaient de les soigner. De nos jours la médecine est devenue une discipline scientifique (cf. l’evidence-based medicine), avec le risque de dissociation du cure (traitement) et du care (Winnicott : soin, attention), alors qu’ils doivent rester indissociables [6]. Après la « libération » des fous par Pinel, l’architecture asilaire se fait plus médicale et disciplinaire, devenant « instrument de guérison » (Esquirol). Ces asiles sont construits en périphérie des villes, et organisés par « quartiers » selon une répartition nosographie plus comportementale (déjà !) que médicale.

  • L’état comme clinique. L’architecture à l’intersection de la pandémie et de la politique (Ludger Schwarte, professeur de philosophie)
    La distance entre deux personnes pour qu’elles ne se transmettent pas un virus contagieux, le nombre de personnes dans un lieu et la distance pour maintenir la liberté d’action et la politique démocratique sont questions d’architectonique. « La masse vivante est le gage sur lequel l’État se développe », mais la biopolitique qui caractérise les États modernes ne concerne pas la santé de toute la population : la science politique, à base de l’économie et des statistiques, va définir qui doit être protégé et qui peut être négligé ou combattu.
    Au XIIIe siècle, l’Hôtel-Dieu a été construit en même temps que Notre-Dame, pour recueillir les malades, pauvres, criminels, lépreux, orphelins de la ville et individus au comportement déviant et inquiétant [7]. Suite à son incendie en 1772 il est reconstruit à partir des convictions de l’époque : la masse est pathogène, il faut isoler l’individu, les corps sont discriminés, isolés, classés, séparés et rassemblés en classes identiques, mais pour que ce soit tenable économiquement, ça passe par et produit une massification générant une déshumanisation. L’État se sert de l’assistance sociale publique pour gérer les populations au travers des normes sociales, réalisant ainsi une « police médicale ».
    « Le discours médical et le discours administratif se rejoignent au niveau de l’architecture… Alors que l’hospice recueillait les abjects, la clinique moderne fournit désormais la norme de la subjectivisation et de l’urbanisme. »
    L’architectonie de l’architecture comme celle des machines à guérir devient disciplinaire (fermeture des barrières) et de contrôle (ouverture des espaces conditionnée par des validations). Le malade est rassuré et l’État est informé et peut exercer son contrôle via un « nudging biopolitique » et une autogestion continue régulée par un feedback constant.

Au XIXe siècle l’ascenseur transforme les bâtiments en machines contemporaines, en blocs et verticales, au XXe siècle ; ces machines sont pensées modulaires comme un système de flux. Dans les marges certaines architectures « placebo » réinvestissent le care : lieux d’accueil, hôtels pour patients…
En France, dans les années 1950 à 70, des psychiatres et psychanalystes (St Alban, La Borde) ont pensé l’importance de l’ambiance dans le soin. Travailler l’espace pour développer l’horizontalité des relations, et l’ouverture vers la cité. L’ambiance est le nom profane pour pathoplastie (influence du milieu sur le sujet et fabrique de pathologies par le milieu). « Dès lors, il s’agit par la disposition des lieux, les possibilités de circulation, de rencontres, de réunions, d’activités, par des conceptions architecturales, la transformation des relations hiérarchiques (revalorisation du « rôle » et de la « fonction » par rapport au « statut »), la circulation de l’information, de lutter contre un défaut d’« ambiance » pouvant mettre à mal la qualité de vie institutionnelle, et donc du soin, tant envers les patients qu’envers les soignants. »

  • The call boatman’s call (Arnaud Vallet, cadre de santé au centre de jour L’Adamant)
    Références cinématographiques, musicales, littéraires, philosophiques, psychiatriques… contemporaines pour situer dans une ambiance inhabituelle pour ce type de propos un hôpital de jour dans une péniche amarrée à Paris, quai de la Rapée. L’ambiance (atmosphère) : on ne peut la créer, « c’est l’espace entre le sujet et l’objet qui la constitue ». Situationnisme (« tenter de construire des situations, c’est-à-dire des ambiances collectives…) pour soigner. L’hôpital de jour - ou plutôt le soin psychiatrique - comme ambianceur de la Cité.

Frontières
Où se situe le soin, entre espace domestique, espace public et espace commun ? Privé/public ? C’est une question d’actualité alors qu’on assiste à un retour des soins à domicile et à la fabrication d’espaces communs privés médicalisés.
Comment concilier intimité des soins et dispensation dans un lieu public comme l’hôpital ?
L’habitat pour personnes âgées et dépendantes pose la question complexe de la relation entre intimité et communauté : les villes et les habitations leur sont particulièrement inadaptées. L’architecture doit aussi considérer la question de la mémoire.

  • Des villes à l’épreuve de l’âge. De la contrainte à l’invention (Meriem Chabani et John Edom, architectes urbanistes)
    Vieillir n’est pas dépasser une limite, mais continuer de vivre dans un continuum où la vulnérabilité s’accroît, laissant les vieux dans le souci de continuer à vivre en autonomie et en société. Pourtant les vieux ne sont pour autant ni inactifs ni improductifs ; par ailleurs ils consomment différemment et souvent moins. Comment revoir une conception de l’utilité sociale qui ne s’appuie pas que sur la productivité économique ?
    Le temps et l’espace (vitesse à laquelle on doit vivre : 2 km/h ; ville du quart d’heure ; premier kilomètre accessible…) devraient structurer une réflexion sur cette question.
    L’adaptation spatiale du domicile est la principale des approches thérapeutiques et préventives.
    Le refus du fractionnement de la vie en phases distinctes et de la relégation qui en résulte doit trouver sa résolution dans la transcription spatiale de la continuité de ces élans de vie, où réside la possibilité d’invention de villes cohérentes et hospitalières pour tous.

« Aborder le soin comme un bien commun, à la frontière de l’espace privé et de l’espace public, conduit » à diverses adaptations architecturales et urbanistes : de salles de bains communes dans des immeubles à des salles de fitness dans la cité. La maladie peut imposer de nouvelles manières d’habiter en commun qui mettent à l’épreuve les structures de la cité.

  • Repenser la vulnérabilité et la résistance (Judith Butler, philosophe)
    Ce texte que j’ai trouvé abscons, probablement du fait de la différence culturelle et même d’une certaine inculture de ma part dans le registre abordé par cette philosophe activiste nord-américaine, développe les thématiques suivantes : vulnérabilité/précarité ; résistance <-> vulnérabilité ; corps soutenu : relation entre corps et infrastructure (soutien) ; vulnérabilité linguistique ; performance/performativité (processus consistant à être agi et conditions et possibilités de l’action) ; normes : assignation/conditions d’une vie vivable. Pour interroger : « Quels soutiens architecturaux doivent être en place pour que chacun puisse bénéficier d’une certaine liberté de mouvement, laquelle est nécessaire pour exercer le droit à se rassembler dans l’espace public ? »
    Il m’en est venu un questionnement : l’idéal de liberté comme détachement de toute aliénation est-il supportable ? Que deviendrait un sujet délié de toute aliénation au langage, aliénation mentale, aliénation sociale… N’est-il pas nécessaire que se constituent d’abord des aliénations structurantes et universalisantes à partir de la culture ambiante, avant que chaque sujet ne s’en détache, à sa mesure et à sa manière, dans un accommodement qui serait sa manière de santé ? N’est-ce pas ça la condition de l’être lorsqu’il est humain, la vie ?
    Et une proposition de traduction du mot care : sollicitude.

Nécropoles
Quelle place, quel soin, quelle fonction la cité donne-t-elle à ses morts ? Prendre soin des morts est aussi passé du cœur de la ville à sa périphérie, jusqu’à bâtir des villes des morts (nécro-poles). Vivre avec nos morts a longtemps été une dimension fondamentale de nos sociétés, continuité du soin apporté aux vivants.
À partir de 1765, pour éviter les contagions, il est décidé d’arrêter l’inhumation des corps intra-muros : à Paris, les catacombes. Un siècle plus tard Haussmann veut les éloigner davantage en imaginant un projet de ville des morts à Méry/Oise, reliée à Paris par une ligne ferroviaire dédiée ; c’est là que sera projeté le « faux Paris » destiné lors de la 1e guerre mondiale à leurrer l’ennemi. Un siècle plus tard, l’architecte Auzelle projette de faire d’un des départements français exclusivement un « département des morts » pour tous les morts du pays.

  • Temps et spatialités du deuil dans le paysage urbain. Interférences pandémiques dans la constellation funéraire contemporaine (Marie Fruiquière, architecte DE et urbaniste, doctorante à l’École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg/AMUP)
    Les espaces funéraires peuvent être compris dans la continuité du rapport urbanité-soin. On ne meurt plus chez soi, mais dans une institution médicale ou médicalisée. Et lors de l’épidémie du Covid, on meurt seul. Les obsèques sont rythmées par des rituels, et (dé-) spatialisées. Ceci a été encore plus contraint pendant l’épidémie. Les mutations sociales relativisent la sépulture, dernière demeure et lieu de recueillement. L’épidémie lui a toutefois redonné de l’intérêt, tout en en déstabilisant la forme, où le respect de l’environnement apparaît. Les temps et espaces de la mort prennent de moins en moins de place dans la ville, tout en laissant une place à la mort et au traitement de ses effets : moins espace privé (le mort et sa famille) qu’espace social (la mort dans la vie sociale).

La majorité des Français meurent à l’hôpital (58 %). Longtemps indifférenciée, la place des morts a acquis un espace propre au XVIIIe, à l’arrière du bâtiment, puis en son sein, jusqu’à prendre la forme de services de soins palliatifs. Jusqu’à ce que l’ampleur de la mort lors de l’épidémie du Covid ait amené une mise à l’écart radicale des morts.

  • Mieux connaître la chambre mortuaire. Espace hospitalier au service des morts de la cité (Long Pham Quang, chercheur associé du Conservatoire national des arts et métiers – Cnam)
    « Une influence réciproque s’opère entre la manière dont l’espace de la chambre mortuaire est organisé, agencé, pensé, et les conduites et gestes professionnels déployés en ce lieu : influence de l’êthos (e long : séjour, endroit, lieu de vie) sur l’éthos (e court : même sens que le mores latin, les mœurs, coutumes, habitudes, manières de vivre). »

Les cimetières sont aménagés pour devenir des espaces sociaux représentant la mort, reliés à la cité, et même proposant à celle-ci des « métamorphoses anthropocèniques » : « îlots de fraîcheur » où les morts viennent au secours des vivants, cendres disséminées au pied d’un jeune arbre.
Pour l’architecture, construire des bâtiments qui échappent à la biologie et subsistent à l’homme dans le temps transcende la mortalité, l’insupportable obsolescence humaine. Que deviendrait-elle si nous ne mourrions plus ? Elle proposerait des systèmes de maintien des organismes en tension, en mouvement, et donc en vie. Et si, à l’inverse, elle acceptait la fragilité humaine, elle produirait des maisons qui meurent.

Hétérotopies
Quelles architectures alternatives, quelles anti-architectures proposent d’autres spatialités du soin ? D’autres formes et lieux non institutionnalisés du soin forment une sorte de contre-histoire de l’architecture et du soin.
Fous incurables, menés en bateau (la nef des fous), envoyés divaguer de ville en ville au Moyen Âge : pas de lieu, pas de répit, la cité n’en veut pas [8]. Mais aussi le bateau espace particulier permettant des idées et des pratiques particulières. Ainsi des « bateaux-soignants », pour aller chercher l’air pur hors de Paris en 1872 (projet de la Société de chirurgie), pour prendre soin des « sans-taudis » à Paris en 1930 (Armée du Salut), pour soigner les fous à Paris en 2010 (L’Adamant), ou de 2 centres d’hébergement à Paris (Ordre de Malte).
Dans les débords ou les interstices, peuvent être prodigués des soins furtifs et discrets. En contrebande ? La cour des miracles par exemple, fermée au XVIIe par l’internement des fous dans l’« Hôpital général de Paris » créé à cet effet (1656).
La furtivité est une manière d’habiter le monde (d’organisation sociale ?) propre à certaines pathologies mentales. Concomitamment à la Psychothérapie Institutionnelle, Fernand Deligny a tenté, à Monoblet, avec les « lignes d’erre » que traçaient les équipes éducatives en suivant le parcours des enfants autistes, de révéler, par cette mise en carte, les usages sinon invisibles de l’architecture des espaces par des individus privés de langage, et d’en bâtir du soin.
Le Post-traumatic stress disorder est maintenant soigné par l’immersion dans la scène du trauma par réalité virtuelle, un (non-) lieu de soin ; cf. télémédecine, plateformes… qui posent des questions : que devient le sujet (soigné, soignant) dans une relation de soin qui se déroule virtuellement, comment faire coexister technicité et humanisme du soin ?

  • Le virtuel comme (non-) lieu du soin ? (Serge Tisseron, Psychiatre, docteur en psychologie HDR, membre de l’Académie des technologies)
    La médecine virtuelle peut avoir des avantages, essentiellement économiques, mais elle présente le risque de déshumanisation, et de réduire l’intelligibilité des troubles et traitements par les patients et les soignants [9].

Pour Michel Foucault, « le jardin est l’hétérotopie par excellence, cet ‟espace autre” , lieu d’une remise en question des pratiques institutionnalisées, de la construction d’autres formes d’habiter. Le jardin est souvent le lieu d’une démarche thérapeutique innovante, qui engage le patient dans des pratiques de déambulation, d’entretien, d’agriculture ». À Ste Anne, au XVIIe siècle, un jardin pour contagieuses est détourné en ferme, qui fournira du lait aux hôpitaux parisiens, et emploiera des « aliénés tranquilles » dans une démarche qu’on pourrait qualifier d’ergothérapique (cf. Hermann Simon).

  • Enquête sur des architectures multi-espèces en microgravité (Ségolène Guinard, philosophe et anthropologue Technoscience-fiction du care)
    La capsule/station spatiale peut être considérée comme hétérotopie, où il faut malgré tout prendre soin et de ses habitants et du biotope qu’elle représente. « Il s’agit donc de déplacer quelque peu la question de l’architecture, en l’envisageant non du point de vue de l’architecte mais des corps (des psychés ?) vivants, qui doivent continuellement rendre la capsule habitable par leurs attachements et leurs interactions ».
    Capture entre espèces… architectures sans architectes, là où l‘habitat ne tient qu’en vertu de la communauté vivante qui la rend possible (me viennent les agencements de Félix Guattari ?).

Inhabitables
Une ville malade, on la quitte, ou on la soigne.
Aller vivre à la campagne, confier les enfants à des nourrices à la campagne, ou créer un hôpital maritime ? Loin du milieu urbain désordonné les « insensés » sont soignés au calme dans la nature hors des villes. St Maurice reçoit même en convalescence, en plus des insensés, les ouvriers des travaux publics accidentés sur les chantiers haussmanniens, blessés de l’architecture et de l’urbanisme.
Les vertus de la nature pour la santé amènent à construire des lieux de soin (sanatoriums) au cœur de celle-ci à la fin XIXe début XXe. Mais au-delà du soin du corps, des projets de communautés utopiques dans la nature, voire de villes entières, sont imaginés pour traiter l’insalubrité sociale et environnementale (voire tout simplement mentale) de la ville industrielle. Dans le même temps qu’il fallait aussi parfois se protéger des méfaits de la nature.
Si la ville rend malade, il faut la curer, en récurer ce qui est nocif. Une autre stratégie est de raser et reconstruire, au risque que ce qui est reconstruit soit plus nocif encore, ou d’effacer les traces de l’histoire qui font mémoire collective.

  • Vers une architecture du ménagement (Joan C. Tronto, politologue)
    Les architectes sont au service des goûts et des intérêts des plus puissants. Ils se soucient moins de ménagement (autre traduction de care ?) que de satisfaction du pouvoir et du capital. Une architecture du ménagement s’acquitte de son rôle élémentaire dans notre responsabilité partagée de prendre soin du monde, de la réparation, de la préservation, du maintien de toutes les formes de vie et de la planète. Le ménagement, à l’instar du care, se décline en 5 aspects, avec leurs traductions architecturales. Caring about (faire attention à) signifie être attentif aux besoins auxquels il faut répondre. Caring for (prendre soin de) concerne l’acceptation et la répartition des responsabilités. Care giving (donner des soins) exige une attention aux actes réels du ménagement. Care receiving (recevoir des soins), et ensuite ? Caring with (rendre) le ménagement produit-il solidarité et confiance de telle sorte que le ménagé devienne ménageur ? Bien que le ménagement parte de besoins asymétriques, les gens peuvent être en mesure de constater que leur participation à ces boucles continues les rend in fine plus égaux.

La vulnérabilité est désormais ce que nous avons en commun ; peut-être faudrait-il « prendre acte de cette vulnérabilité pour en faire le soutènement de nos cités et la force motrice d’une possibilité d’habiter un monde pourtant largement inhabitable. »

  • Et si l’on ménageait les urbains ? Réflexions sur le care spatial (Michel Lussault, géographe, directeur de l’École urbaine de Lyon)
    Le modèle de la World City est problématique. Il promeut de facto les inégalités, selon les opportunités. Mais il y en a d’autres. Ce système urbain global est très vulnérable, exposé à l’endommagement systémique. Et l’existence métropolitaine est devenue très inconfortable. L’habitant et son habitat ont été négligés pour le choix politique et social d’une fonction à satisfaire, la croissance et la profitabilité. Pour en sortir, on peut imaginer une « fabrique urbaine éthique », la considération : qui/quoi doit être considéré et comment. Il faut faire attention à la vulnérabilité. Le soin est affaire de tous, institutions politiques, toutes les parties prenantes d’une société, et les habitants eux-mêmes ; ainsi est renforcée l’immunité de l’habitat. Plutôt ménagement qu’aménagement ; réparation, ravaudage, rafistolage que construction de nouveaux objets.
    Une architecture du care tiendrait du maintien, maintenance, entretien : faire tenir nos espaces dans le temps, et donc nos corps.

Neuf topographies médicales complètent la documentation en présentant les lieux qui illustrent principalement ces cheminements : l’Île aux cygnes (Paris), les Hôpitaux de Saint-Maurice (Val de Marne), la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (Val d’Oise), le sanatorium d’Aincourt (Val d’Oise), l’hôpital Avicenne (Bobigny), la maladrerie à Poissy (Yvelines), le pavillon de l’Orbe de l’hôpital Charles-Foix (Yvelines), l’Hôpital maritime de Berck (Pa de Calais), et la péniche Louise-Catherine (Paris).

La leçon qu’on pourrait tirer de cette exposition n’est pas révolutionnaire : l’environnement naturel, l’organisation des lieux habités, de leur construction et de leurs articulations entre eux, le dispositif de soin, sont très liés à, et dépendants de, la machinerie sociale, c’est-à-dire des fondements de l’organisation sociale et du fonctionnement organique du système social. Ce qui serait révolutionnaire est que les architectes et urbanistes de l’organisation de la société que nous habitons s’approprient ce qui est présenté là des perspectives propres à prendre en compte la santé, biologique, psychique et sociale des citoyens qui font, sont, la Cité, pour en revoir leurs plans.


par Éric Bogaert, Pratiques N°99, décembre 2022


[1Soutenir. Ville, architecture et soin, sous la direction de Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, et SCAU, collectif d’architectes, éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 2022, 42 €

[2Enveloppe familiale et fonction contenante, Didier Houzel, in D. Anzieu, (dir.) Émergences et troubles de la pensée, Paris, Dunod, 1994.

[3dont le livre Pour une thérapeutique plus active à l’hôpital psychiatrique, traduit en français par l’« hôpital psychiatrique de St Alban », soutient la construction à la campagne d’asiles conçus comme des cités proposant une vie quotidienne hébergée, organisée, adaptée, pour favoriser thérapie des maladies mentales et socialisation de la folie.

[4Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, Paris, La Découverte, 2017.

[5On pense à ces deux inscriptions, Arbeit macht frei au fronton du camp d’Auschwitz, et La libertà é terapeutica sur celui de l’hôpital de Trieste par Franco Basaglia, d’où est sorti Marco Cavallo, le cheval bleu, cheval de Troie de l’asile dans la cité, comme marqueurs emblématiques de positionnements politiques sur cette question de l’éloignement/rapprochement de la Cité.

[6En France, il n’y a pas de mot pour care, c’est le mot soin qui comprend le cure et le care, indissociables dans le même mot. Faut-il y voir une différence culturelle entre humanisme européen (voire plus spécifiquement latin) et efficacité pragmatique anglo-saxonne, laquelle en se mondialisant étouffe le premier ?

[7L’asile, lieu de protection des damnés : pour les protéger, et en protéger le reste de la population ? cf. la loi de 1838 censée protéger les aliénés, et en protéger les gens sensés.

[8Cf. ces touristes sur des bateaux de croisière qui n’ont pu accoster nulle part au début de l’épidémie de Covid.

[9voire d’en faire des agents naïfs de Big Brother.


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