Martine Lalande,
Médecin généraliste
Depuis longtemps, certains pays favorisent la participation des patients à la déclaration des évènements indésirables liés aux médicaments. Quand ils décrivent les effets des médicaments qu’ils ont ressentis, ils le font avec d’autres mots et d’autres éléments que les professionnels. Jusqu’en 2006, en France, les déclarations d’effets adverses de médicaments et produits de santé au Centre de PharmacoVigilance ne pouvaient être remplies que par des professionnels de santé. Un patient qui avait souffert d’un effet imprévu et désagréable d’un médicament était obligé de passer par son médecin (ou autre soignant) pour le faire déclarer. Cela dépendait donc du bon vouloir et de la disponibilité du soignant, et de son interprétation, alors que déclarer est une obligation pour le soignant. Les évènements décrits par le patient étaient traduits par le soignant en termes « médicaux », qui pouvaient être moins fidèles ou moins précis. Encore aujourd’hui, en France, les médecins ne sont pas tellement sensibilisés à la déclaration des effets indésirables des médicaments, ni pendant leurs études ni ensuite. Cela nécessite qu’ils aient l’idée de le faire lorsque les patients leur décrivent ces effets (le plus souvent pas très graves, mais dignes d’intérêt et permettant de faire évoluer la connaissance des effets des médicaments, de leurs interactions et de leurs dangers potentiels) et qu’ils prennent le temps de faire la déclaration sur le formulaire ad hoc et de l’envoyer au centre de leur région. Souvent, ils ne sont enclins à déclarer que les accidents graves et négligent les effets qu’ils jugent mineurs.
La possibilité de notification directe à la pharmacovigilance par les patients, annoncée en 2007, n’est devenue effective qu’en 2011. Il existe des fiches spécifiques de déclaration, qui sont transmises directement ou par l’intermédiaire d’associations de patients. Entre temps, des études de centres expérimentant les notifications de patients et des enquêtes faites sur leurs déclarations ont montré que leurs signalements contiennent autant d’informations que celles des soignants, qu’ils ont de forts liens de causalité et qu’ils décèlent souvent des effets pas encore décrits sur les médicaments. Cependant, les mots employés par les patients étant différents de ceux des professionnels de santé, le codage pour leur enregistrement par les agences va devoir évoluer. Dans certains pays, la déclaration directe par les patients est effective depuis plusieurs années (par exemple en Suède depuis avant 1980). Au Royaume-Uni, des études ont montré que les déclarations des patients et des soignants sont complémentaires et enrichissent de concert les connaissances sur les effets indésirables des médicaments. Ces données sont accessibles au public dans quatre pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas et Canada), mais pas encore en France ni dans le reste de l’Europe. Pourquoi se priver de ces bases d’information, de prévention et de discussion avec les patients, pour leur intérêt et leur sécurité ?
Références
Revue Prescrire : « Ecouter les patients enrichit la pharmacovigilance » 2011, 31 (344) : 590-592.
Formulaires sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, ex-AFSSAPS) : www.ansm.sante.fr