La cerise sur le gâteau…

Brigitte Verrier-Langéac, maman et curatrice de Maité

Comme si le handicap profond d’un enfant n’était pas assez lourd, les administrations y ajoutent leurs dysfonctionnements. Ces deux courriers en attestent.

CARSAT RHÔNE ALPES, le 12 mai 2025

Objet : Nombre de trimestres octroyés pour enfant handicapé

Madame, Monsieur,

Je vous avais questionnés pour avoir le détail du calcul de ma retraite et savoir si vous aviez tenu compte du handicap de l’un de mes enfants. J’ai bien reçu votre réponse m’indiquant que j’avais droit à trois trimestres supplémentaires pour enfant handicapé. J’avais pourtant lu que l’on pouvait avoir jusqu’à huit trimestres et pensais pouvoir obtenir ce supplément dès lors que ma fille est lourdement handicapée, qu’elle a eu deux années où les soins étaient nuit et jour, qu’elle n’a pu marcher qu’à l’âge de 5 ans, commencer à dire quelques mots qu’à 9 ans avec la méthode MAKATON que JE suis allée sans aucune aide rechercher dans les premiers stages organisés par M. Walker en France en 1995 à Paris sur une année alors qu’il a fallu ensuite vingt ans pour que la France s’empare de cette méthode et la généralise, Que mon enfant n’a intégré un IME qu’à 9 ans après des années de soins répartis entre orthophonie, UASA, soins orthopédiques, des soins nécessitant beaucoup d’aller retours et donc de disponibilité, et que, non autonome, elle ne peut travailler, est en foyer de vie la semaine depuis l’an dernier seulement, a toujours besoin de moi au quotidien les week-ends et congés, et ce jusqu’à mon décès. Je me pose la question donc : quel type de handicap génère un octroi de huit trimestres puisqu’apparemment son cas et mon cas sur toutes ces années passées et à venir ne le justifient pas, et ne me donnent compensation que de neuf mois !!!!

J’ai reçu ce nombre octroyé de trois trimestres, décidé par un calcul fait sans doute par des personnes qui ne connaissent rien de la vie active d’une maman d’enfant lourdement handicapé, comme un véritable affront et une humiliation face au travail éducatif difficile de maman que j’ai pu faire auprès de ma fille. Ainsi qu’auprès de mes deux autres enfants, mais également auprès de la jeune nièce de mon mari qui a été placée chez nous par le juge des enfants alors qu’elle avait un peu moins de 14 ans et était en situation de violence et délinquance face à des parents dans l’impossibilité de l’éduquer. Il était bien pratique pour l’État de trouver une famille d’accueil puisque j’avais cette disponibilité déjà toute trouvée de par celle que je donnais à ma fille handicapée. Et me voilà sur un retour sur ma vie où, après avoir éduqué et aidé à grandir quatre enfants dont ma fille handicapée et la nièce de mon mari en situation de violence et délinquance, vous me renvoyez par votre décision la nullité en quelque sorte des choix que j’ai pu faire de m’occuper de mon enfant plutôt que de faire appel aux services et aides extérieurs, mais aussi de celui de m’occuper de cette jeune fille plutôt que d’en laisser la responsabilité finalement à un État dont les services sont insuffisants. Aujourd’hui, cette jeune fille a fait le choix de rester auprès de nous, mais surtout, elle est sortie de la délinquance et a entamé à maintenant 32 ans une vie d’adulte équilibrée et sereine.

Par ce courrier, et au vu des arguments ci-dessus, je sollicite de vos services la révision du nombre de trimestres qui me sont accordés pour mon enfant handicapée dès lors que depuis sa naissance et jusqu’à mon dernier souffle cette enfant A BESOIN DE MOI, ne perçoit que l’AAH, et donc je dois pouvoir répondre à ses besoins matériels du mieux que je peux.
Je vous remercie de votre attention et de la suite favorable que vous voudrez bien accorder à mon dossier. Très sincèrement, Brigitte V.

Dans les faits : lorsque nous remplissons les demandes de retraite, il nous est demandé certaines pièces concernant le handicap de l’enfant telles que sa carte de handicap avant sa majorité et après, mais également les notifications MDPH du handicap. Toutes ces pièces leur étant envoyées, c’est ensuite aux caisses de retraite qu’appartient la responsabilité d’aller rechercher les informations nécessaires à la décision du bon nombre de trimestres à octroyer auprès d’un service filial de la CAF qu’il n’est pas possible pour le demandeur de contacter directement. Ce service ne peut contacter les caisses de retraite pour transmettre des dossiers ; la communication ne se fait que des caisses de retraite vers ce service.

Monsieur le Médiateur
le 8 avril 2025

OBJET : Suspension de l’AAH aux personnes en situation de handicap

Monsieur,
Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint le courrier adressé à la CAF le 18 mars 2025 suite à la suspension de l’AAH de ma fille. Ce procédé a déjà été utilisé plusieurs années de suite par la CAF, atteignant un summum en 2024 avec 6 mois de retard !!!!
Par anticipation, je leur avais envoyé un courriel en décembre 2024 leur demandant de bien vouloir attendre les documents bancaires ne me parvenant qu’en début d’année (et cette année début mars…) et de ne pas suspendre l’AAH de ma fille qui a une notification permanente de handicap, ne travaille pas et ne pourra jamais le faire, et n’a que cette AAH en revenu. La CAF, pourtant en mesure de rectifier les données s’il y une régularisation à opérer, a refusé et a donc procédé cette année encore à la suspension de l’AAH de ma fille, sachant qu’ils ont plusieurs mois de retard dans le traitement des données, ce dont elle n’est nullement responsable !! À ce jour, aucun signe de droits AAH sur son compte...
D’autre part cette suspension a un effet délétère sur les structures accueillant ces personnes handicapées car, par compréhension de leur situation financièrement difficile, elles ne facturent plus leur accueil de ces personnes, ce qui les met budgétairement en situation plus compliquées encore je suppose : une demie année !!!!
C’est pourquoi je me permets d’interpeller vos services car QUI ACCEPTERAIT de voir son revenu interrompu pendant six mois ? La moitié d’une année ! Et l’on peut se poser la question, ma fille n’étant pas la seule personne handicapée dans ce contexte : que deviennent ces montants durant toute la période où ils ne sont pas versés ? (J’avais demandé des intérêts de retard l’an dernier sans résultat bien entendu...)
Je me permets donc de faire appel à votre bienveillance, car il me paraît insupportable que la CAF ait le pouvoir de supprimer le SEUL revenu de ces personnes en situation de fragilité que nous, familles, devons protéger, et qu’après nous c’est l’État qui est normalement en DEVOIR de protéger. Une réglementation de la CAF à ce propos serait plus que nécessaire.
Vous remerciant de votre attention et de la suite donnée à ce courrier, très sincèrement,
Brigitte V, curatrice de…
membre fondateur de l’association AUSAJ de défense des personnes handicapées,
élue au CVS du foyer de vie de … du foyer d’Hébergement de …
membre de l’association Droits Pluriels, Aller Plus haut, de l’Unapei et Udapei.

Dans les faits : l’argument de la CAF est de « refaire les dossiers »,
-  leurs services ont plus de quatre mois de retard dans le traitement des dossiers,
-  il est impossible de vérifier sur le compte du bénéficiaire de quels documents la CAF dispose et lesquels n’auraient pas été reçus,
-  dans le cas présent, le compte indiquait depuis le mois de janvier à la fois qu’il manquait une pièce et à la fois qu’ils avaient connaissance des ressources et que le dossier était complet…
-  une demande est en cours auprès des organismes ARS, CAF, MDPH et Département afin qu’il ne soit plus possible de supprimer dorénavant l’unique ressource des personnes handicapées.

par Brigitte Verrier-Langéac, Pratiques N°109, novembre 2025

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