Mady Denantes,
membre du CoMéGAS [1]
Nous avons un outil magnifique, la Sécurité sociale créée en 1945 par nos aînés de la résistance : on cotise selon ses revenus et on reçoit selon ses besoins.
Cet outil est attaqué, par couches fines, mais répétées, des pans entiers de notre Assurance maladie solidaire sont transférés aux Assurances complémentaires, non solidaires.
Le gouvernement parle de responsabiliser les patients, mais qui doit-on responsabiliser ? Ce sont nous les médecins qui signons nos prescriptions ; donc, oui à une formation initiale et continue de qualité, indépendante bien sûr des laboratoires pharmaceutiques.
Je vais vous raconter ce que je vois dans mon cabinet médical d’un quartier populaire de Paris.
Je suis en colère car je vois des gens, de plus en plus nombreux, qui n’ont pas accès aux soins car ils n’ont pas d’assurance complémentaire santé [2]. Madame K. qui doit choisir laquelle de ses deux filles aura des lunettes : de quelle responsabilisation parle-t-on ?
Monsieur Guy, un ancien « fort des halles », 73 ans qui ne peut financer ni les soins que je prescris ni les examens indispensables pour obtenir l’ALD (Affection de Longue Durée prise en charge à 100 %) et qui risque l’amputation si on traîne trop : responsabilisé sur le devenir de sa jambe ? Jeanne, elle, a une assurance complémentaire (AC), mais elle l’a choisie bon marché, premier prix, bien qu’elle prenne 10 % de son budget. Cette AC ne rembourse pas la kiné, m’annonce-t-elle.
Je suis en colère contre les dépassements d’honoraires qui augmentent sans raison, en continu et de manière exponentielle.
Je suis en colère contre mes confrères qui refusent les patients ayant la CMU complémentaire (CMUc) et l’Aide Médicale de l’État (AME). J’ai un bon réseau de soins où personne ne refuse la CMUc, mais l’autre jour j’ai appris que mon confrère ophtalmo du quartier, le seul en secteur 1, refusait de recevoir mes patients ayant l’AME. Je l’ai appelé et il m’a dit : « Avec la CMUc, ça ne me gêne pas, je suis payé très vite avec la carte Vitale, mais l’AME, je ne sais pas remplir la feuille de soins ni où l’envoyer, ça me fait de la paperasse ».
Alors pour lutter contre les refus de soins, il faut que l’AME soit fusionnée avec la CMUc comme l’a proposé le Comité national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en juillet 2011. Il faut aussi que le seuil de la CMUc ne reste pas honteusement juste en dessous du montant de l’AAH (Allocation Adulte Handicapée) et de l’ASPA (Allocation de Solidarité aux Personnes Agées ex-minimum Vieillesse).
Le débat citoyen sur l’avenir de notre système de santé ne doit pas être escamoté : le transfert progressif de l’Assurance maladie solidaire aux assurances privées n’est pas inéluctable. Il s’agit d’un choix de société, nous devons débattre de la part de richesse que nous voulons mettre dans ce système et dans les dépenses de santé.
Voici quelques propositions du « Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire » [3] :
_Poser le principe législatif d’un retour au taux originel de remboursement par la Sécurité sociale d’au moins 80 % des soins courants en maintenant le 100 % pour les affections longue durée (ALD) et en supprimant les franchises médicales.
Poser le principe d’un plafonnement des tarifs pour les médecins conventionnés en secteur 2. Garantir sur l’ensemble du territoire un accès aux soins aux tarifs opposables, sur la base du tiers-payant.