Inventaire à la Prévert

Sylvie Cognard,
médecin généraliste

Quatre déménagements en cinq ans. Quatre lieux de vie différents : une petite ville, deux villages et un hameau. À chaque fois, il faut trouver un nouveau médecin traitant, c’est comme ça si l’on veut être pris en charge pourÒ sa santé.
En cinq ans : deux accouchements. Un enfant naît dans un petit hôpital de proximité juste avant sa fermeture sur l’autel de la rentabilité. Un autre enfant vient au monde quinze mois après, ce sera dans la voiture, la maternité était trop éloignée, il neigeait et le bébé était pressé de dire bonjour...
Deux suivis de grossesse, des suivis de nourrissons, des petites maladies, une grippe non vue par un médecin, peut-être H1N1, un « burn-out », des accidents, une fausse couche et une maladie grave avec une hospitalisation à la clé. Des soignants sympas et attentionnés, d’autres antipathiques et inquisiteurs, on n’a pas toujours le choix. Et si parfois, on peut avoir le choix, il ne faut compter, ni les kilomètres, ni le temps. Une généraliste d’origine roumaine, des sages-femmes humanistes, un pédiatre hospitalier féroce, un gynécologue gentil, un autre qui ne semble pas aimer les femmes, un kiné, un ostéopathe.
Dernier déménagement fin août, il y a l’examen obligatoire des neuf mois à faire. Renseignements pris dans le centre de PMI le plus proche, c’est réservé aux habitants du département ! Ben oui, mais quand on habite sur la « frontière », le centre PMI le plus proche du département, c’est à quarante minutes de route... C’est pratique avec un bébé ! Aucun médecin de la région ne veut prendre de nouveaux patients...
Septembre : épisode infectieux respiratoire aigu qui tourne mal chez la petite dernière et dépasse les qualités soignantes des parents. Pas de possibilités d’être reçu par un généraliste... Service des urgences de l’hôpital le plus proche. Diagnostic d’une infection à mycoplasmes. Trois jours plus tard, les deux parents sont malades, pas de possibilités de rendez-vous. Il faudrait se rendre à la permanence du généraliste de nuit et payer le tarif fort. C’est un membre de la famille, médecin, qui va faxer des ordonnances à la pharmacie pour que les parents puissent se soigner, avec comme hypothèse que les parents ont la même chose que leur bébé... Bonne pioche !
Enfin une généraliste accepte de voir la petite pour son examen du neuvième mois.
Le courant passe bien, elle veut bien « adopter » toute la petite famille, nous sommes fin octobre.


par Sylvie Cognard, Pratiques N°57, mai 2012

Lire aussi

N°57 - avril 2012

Insoumission grecque et solidarités nouvelles

par Sylvie Cognard
Sylvie Cognard Médecin généraliste Le 4 février 2012, le personnel de l’hôpital général de Kilkis, en Macédoine centrale, au nord de Thessalonique, prend la décision d’occuper l’établissement et …
N°57 - avril 2012

« La crise et nous »

par Noëlle Lasne, Christiane Vollaire
Le 30 décembre 2011, Christiane Vollaire, philosophe intervient dans le journal d’Antoine Mercier sur France Culture pour clore une série sur la crise, intitulée « La crise et nous ». Christiane …
N°57 - avril 2012

Lu : Noirs en blanc

L’auteur, médecin et écrivain, a également écrit des romans, des nouvelles et des essais : La vie devant nous (Seuil), Tempête sur l’hôpital (Seuil) 2002, Pitié pour les hommes (Stock) 2009. …
N°57 - avril 2012

— MAGAZINE —

Le Magazine accueille l’actualité ainsi que les analyses des problèmes récurrents dans toutes les sphères de la santé.