Olga
L’autre jour, je me suis planté un vieux clou rouillé dans le pied. Dès le lendemain, je me rends chez ma nouvelle généraliste, très contente d’avoir trouvé un vaccin récent dans mon frigo. Cinq minutes pour injecter le produit, introduire la carte Vitale et me refaire une ordonnance de vaccin. Une consultation idéale !
Devant la rapidité de cette consultation, je repense à tous les autres moments vécus avec des médecins. Les consultations que j’aurais aimé avoir, mais surtout celles où il faut bien le reconnaître, j’ai demandé la lune ou espéré trop... Aux alentours de 20 ans, j’aurais aimé rencontrer un docteur qui me prescrive facilement la pilule, qui m’apprenne à utiliser, et acheter des préservatifs naturellement. Cela m’aurait évité comme la plupart des gens d’avoir des premiers rapports non protégés et la peur au ventre de tomber enceinte en attendant mes règles.
Plus tard, vers 30 ans, après une fausse couche, la peur d’être mère est revenue lorsque je ne m’y attendais pas. C’est bien à ma généraliste que j’aurais aimé confier mes angoisses, démêler les écheveaux de mon enfance. Il a fallu toute la persuasion de ce docteur pour me faire accepter d’entamer une thérapie en évitant de justesse les antidépresseurs. Plus récemment, vers la quarantaine, j’aurais aimé que mon docteur se transforme en avocat au lieu de me prescrire un traitement contre l’hypertension. Ce qui m’a aidé, mais c’est bien la rencontre d’une avocate pour mes enfants qui a réussi à faire redescendre mon stress. Le bon déroulement de la procédure pénale à l’encontre d’un pédophile, trouver une interlocutrice pour donner du sens, la parole aux victimes et leur présence et leur témoignage rarissime en tant que « mineurs » au cours du procès.
Le temps passe, à 45 ans je retourne voir ma gynéco qui me demande cette fois : « Avez-vous des rapports sexuels ? À quand remontent vos dernières règles ? ». Je prends mon agenda pour refouler les émotions qui accompagnent ces changements. « À quel âge votre mère a-t-elle été ménopausée ? » Je l’ignore, elle est décédée depuis longtemps.
Tout se mélange et remonte : le procès, la peur de vieillir, les articulations qui se grippent, les deuils récents des parents de mon mari... Il faudrait poser les bonnes questions : combien de temps prendre le Lutéran® (en années) ? Comment supporter les bouffées de chaleur, les coups de pompe ? Le traitement a-t-il un effet sur l’humeur, les migraines, les articulations ? Quelles sont les solutions alternatives ? Ne pas entrer. Sans s’aventurer là où ça fait mal. Aujourd’hui, sans doute j’en demande encore trop, car beaucoup de problèmes restent sans réponse. Je le sais et je m’applique à ne pas trop fatiguer mes généralistes, qui sont désormais plus jeunes que moi et qui apprécient que je note soigneusement mes examens médicaux sur un petit carnet personnel. Je pose parfois de bonnes questions et je me réjouis lorsqu’il m’arrive de ne parler avec le sourire que d’un bon « vieux clou rouillé ».