Diabète : un réseau qui innove

Quand des professionnels se rassemblent autour d’un projet pluridisciplinaire, innovant et indépendant, les patients peuvent mieux s’occuper de leur santé.

Emma Belissa,
diététicienne

Le diabète, maladie silencieuse et asymptomatique, n’en est pas moins difficile à vivre au quotidien. La maladie chronique qu’est le diabète conduit le patient à faire face à des difficultés et dilemmes réguliers dans ses choix : manger comme tout le monde ou non ? Mettre des chaussures élégantes et sans risque pour ses pieds, prendre des traitements médicamenteux sans guérir... Dans une volonté de prise en charge coordonnée, pluridisciplinaire et ambulatoire, l’association Paris Diabète est née en 2000. Fondée à l’initiative de médecins hospitaliers et d’acteurs de santé médicaux et paramédicaux libéraux, l’association s’est donnée comme mission de créer un réseau de santé ville-hôpital pour « améliorer la prise en charge des patients diabétiques en développant une détection précoce des troubles, des interventions graduées et innovantes et le développement de l’éducation thérapeutique individuelle et collective ».
Le réseau Paris Diabète fonctionne maintenant depuis huit ans. Il permet aux patients d’accéder notamment à des prestations médicales et paramédicales ne figurant pas à la nomenclature, jusqu’ici non remboursées par la Sécurité sociale. Pour garder son indépendance, et éviter des conflits d’intérêts, le réseau ne fait pas appel à des financements de laboratoires pharmaceutiques, son financement est assuré par des fonds publics (Agence Régionale de Santé, Caisse Primaire d’assurance Maladie, Fond National de Prévention, d’Éducation et d’Information pour la Santé). Par ailleurs, ceci pose la question de la pérennité du réseau. Reconnu dans ses actions pour son efficacité, le financement n’en est pas moins précaire et soumis à des baisses régulières, alors que le nombre de patients bénéficiant des services du réseau est en constante augmentation (plus de 2500 patients adhérents à la date de rédaction du présent article).
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Comment fonctionne ce réseau ? 
Côté patients, le réseau offre une prise en charge pluridisciplinaire avec un médecin traitant, restant le pivot de cette prise en charge et le référent pour le patient. Le patient peut bénéficier, en fonction de ses besoins, d’une prise en charge individuelle avec des consultations diététiques, un bilan podologique annuel, de bilans et suivis infirmiers, de bilans et suivis éducatifs pharmaciens. Il existe également la possibilité de participer à des ateliers d’éducation thérapeutique de groupe (ETP) sur quatre sujets : « adapter son alimentation à son diabète », « prendre soin de ses pieds sans danger », « comprendre, se surveiller, s’organiser avec son traitement », « choisir et pratiquer une activité physique au quotidien ».

Côté professionnels, le réseau Paris Diabète, c’est aujourd’hui près de 1 500 professionnels de santé, libéraux pour la majorité. Le réseau Paris Diabète tient à faciliter les échanges, grâce notamment à l’organisation de rencontres interprofessionnelles. Ainsi, par exemple, les podologues seront sensibilisés à la diététique du diabète, et cela est essentiel car quand ils prennent en charge les patients pour des soins, ils entendent bien souvent parler de la nourriture et des difficultés face au « régime ». De même, lors de la consultation diététique, il n’est pas rare que le patient évoque ses difficultés face aux traitements. Ces rencontres permettent de développer une véritable complémentarité dans la prise en charge du patient par la connaissance des pratiques des autres soignants, dans des domaines différents. Cette approche crée une dynamique d’équipe, alors que nous, libéraux, pourrions être dans une forme de pratique fragmentée et d’isolement.
Le réseau a mis en place depuis 2004 des ateliers d’éducation thérapeutique. Cette discipline, encore peu connue, demande d’être vécue par les professionnels pour mieux en comprendre les effets sur les patients. Dans ce but, le réseau organise là aussi une approche originale pour faire « vivre l’éducation thérapeutique ». Les professionnels sont invités à participer à un atelier collectif. Les médecins, les podologues, les diététiciens, les infirmières, les pharmaciens, les éducateurs sportifs peuvent ainsi circuler sur les différentes thématiques proposées aux patients par le réseau, expérimenter l’approche éducative et les outils développés par les professionnels éducateurs.
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) exige une formation, mais elle nécessite également un accompagnement. Il n’est pas si simple de changer ses pratiques, or pratiquer l’ETP est à l’opposé de la médecine prescriptive que l’on nous enseigne lors de nos études. Dans une volonté de qualité, le réseau a permis de former des professionnels de santé à l’ETP. En effet, à deux exceptions près, la grande majorité des professionnels du réseau n’étaient pas formés. Puis la mise en place de « permanences de l’éducation thérapeutique » animées par des experts a permis l’entraînement aux pratiques et ainsi un accompagnement des professionnels.
Les professionnels, dans leur volonté de suivi coordonné, ont développé de nombreux outils inédits : supports de bilan et de suivi dans chaque discipline (médecine, diététique, podologie, infirmier, pharmacien, éducation sportive). Les besoins des patients et la nécessité d’approche concrète ont conduit au développement d’outils d’éducation du patient proprement dits : une valise d’outils pédagogique « diététique », une valise « traitement » et une valise « pied », comprenant l’ensemble des référentiels, méthodes, supports et outils nécessaires à l’animation d’ateliers et à l’éducation individuelle. Ces valises sont le fruit du travail de professionnels très investis dans la prise en charge des patients. Grâce à ce travail de collaboration entre professionnel et interprofessionnelle, les outils créés sont aujourd’hui reconnus dans leur utilité et leur pertinence.
Le parcours de Claude illustre l’apport du réseau, Ce patient arrive en 2008 sur les conseils d’un ami, avec des signes très préoccupants : chiffres de son taux de sucre très élevés, ordonnance lourde de trois médicaments, surpoids du côté d’une obésité grave, sédentarité. La première réunion avec sa femme l’amène à rencontrer la diététicienne. Il lui demande un rendez-vous pour « essayer ». De là, il participe aux ateliers sur les traitements, ainsi qu’à ceux sur l’activité physique, et sur la podologie. Deux ans plus tard, Claude a vu les chiffres de son diabète se normaliser, le traitement s’alléger, il a repris de l’exercice. Ce qui a conduit à cette réussite, d’après Claude, c’est la rencontre « tout à fait inhabituelle de professionnels ayant compris mes difficultés, n’étant à aucun moment dans la morale ou la menace de l’insuline, me proposant une approche pluridisciplinaire très facilitante et des ateliers très riches en échanges ». Claude est un patient parmi tant d’autre qui nous conforte dans l’approche qui est la nôtre.


par Emma Belissa, Pratiques N°56, février 2012

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