Entretien avec Rabia Shih,
diététicienne à l’hôpital Delafontaine, Saint-Denis.
Propos recueillis par Martine Lalande
Jeûner quand on a du diabète ?
Être diabétique et jeûner, est-ce raisonnable ? Non, disent les médecins, qui s’appuient sur les responsables religieux pour dire que les textes interdisent de mettre sa vie en danger. Les patients diabétiques jeûnent parfois quand même, car la religion compte plus que leur diabète, qu’ils ne se sentent pas malades, et que les traditions font partie de la vie sociale. Et ils arrivent en hypoglycémie, déshydratés ou avec un diabète déséquilibré. Des études, à Casablanca et à Paris, ont montré que, bien conseillées, les personnes diabétiques peuvent jeûner, à condition de modifier le traitement et de répartir l’alimentation. Rabia Shih : « Depuis longtemps, les internes venaient me demander comment faire pour ceux qui souhaitent faire le jeûne du ramadan. Je me suis formée à la Pitié Salpêtrière et, avec le docteur Khiter, nous avons mis au point un fascicule avec des conseils sur la façon d’adapter son traitement et de manger pendant les périodes de jeûne. Le meilleur médicament pour jeûner est l’insuline, une injection basale et trois injections d’insuline rapide aux repas. On peut l’utiliser juste pour le jeûne et reprendre les comprimés après. Mais on ne peut pas jeûner dans tous les cas. Au début du livret, il y a les contre-indications au jeûne, dont “jeûne déconseillé par votre médecin”. »
L’idée des recettes
Les repas après le jeûne sont souvent très gras et très sucrés. Ce sont aussi des repas pauvres en fibres. Rabia Shih a mis au point des recettes : « Ce sont des recettes traditionnelles. Je les ai essayées moi-même, alléger c’est bien, mais il faut que cela ait du goût. On diminue les graisses et on majore les épices. On ajoute des légumes. Certains plats ne peuvent pas être modifiés, comme les fritures... on peut en manger, mais pas tous les soirs. Les recettes sont équilibrées, on ne fait pas un plat spécial pour celui qui est diabétique. Les patients disent qu’ils les cuisinent pour toute la famille, même les enfants. Je ne fais pas de calculs très compliqués. Pour certaines recettes, j’ai préféré vérifier les calories, sinon je fais intuitivement. »
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Pas seulement pour le ramadan
Le jeûne existe aussi dans d’autres religions, le livret contient des recettes de différents pays. « J’aime faire la cuisine, j’ai toujours été attirée par les recettes de toutes les ethnies. Les catholiques font le carême, ils ne mangent pas de viande, il y a deux jours vrais de jeûne, avec des collations. Dans le judaïsme, il y a huit jours de jeûne dont deux de vingt-cinq heures. Avec une injection d’insuline basale bien dosée, on ne risque pas l’hypoglycémie. Le ramadan, c’est trente jours consécutifs. Pour ce livret, j’ai vu l’aumônière catholique et l’imam de l’hôpital, et j’ai échangé par mail avec un rabbin de Villiers-le-bel. On a mis aussi des recettes africaines, et des recettes turques. Certains hindouistes ne mangent pas de viande le lundi et le jeudi, ce qui n’est pas gênant pour la santé. Il y a aussi des recettes végétariennes. »
Des conseils à la carte
« L’idéal est de faire des consultations personnalisées, avec les recettes des patients et leurs rythmes. On varie selon les cultures et les familles. Dans les foyers de travailleurs, une personne fait la cuisine pour tout le monde. C’est difficile de demander à celui qui cuisine de modifier la recette, et ce n’est pas toujours le même. Il faut les rencontrer. »
Exemples de recettes : Pot-au-feu de noix de Saint-Jacques, Filet de merlu et ses légumes du soleil et semoule, Chili végétarien, Couscous aux légumes, Hachis parmentier au chou-fleur, Escargot fourré façon brick, Aubergines farcies, Yassa de poulet au riz et gombos, Salade de carottes au yaourt, Soupe à l’orge et au lait, Falafels, Laktes de pommes de terre, Soupe aux raviolis de bœuf et poulet...