Santé : raviver les solidarités
Dans le domaine de la santé, on ne peut se contenter de préserver ce qui existe encore. Comment réaffirmer les valeurs solidaires, refuser leur disparition ? Comment résister au rouleau compresseur néolibéral et à son poids idéologique ? L’accroissement des inégalités sociales – en termes de travail, de salaires, de chômage –, le développement des complémentaires santé (assurances et mutuelles) au détriment de l’Assurance maladie et la précarisation d’un grand nombre de personnes mettent à mal les solidarités en provoquant le repli sur soi, la compétition au lieu de la collaboration, la stigmatisation de ceux qui ont le plus besoin d’aide. L’augmentation de la charge de travail et son individualisation, la désagrégation du Code du travail, visent à̀ saper l’action syndicale et collective.
La discrimination et l’instrumentalisation politique de la misère (par exemple l’accueil refusé aux migrants, au motif qu’il épuiserait les fonds solidaires au détriment des pauvres « bien de chez nous ») conduit à toutes sortes de rejets et contraint à l’isolement ceux qui auraient le plus besoin du soutien du collectif. La solidarité, c’est aussi ce qui peut lier les personnes d’un groupe, faire communauté entre elles. C’est la condition de l’engagement collectif. Fonctionner de manière solidaire oblige à poser la question des modes d’organisation et de prise de décisions et à s’interroger sur la question de la démocratie au sein du groupe.
La Grèce, qui est le pays européen le plus touché par les politiques d’austérité, est aussi le pays où la solidarité est à l’origine des dispensaires autogérés, des structures d’accueil des migrants. La situation dramatique que connaît la Grèce est un exemple de ce qu’induit la destruction des institutions solidaires, mais aussi un laboratoire de nouvelles formes de solidarité et d’engagement citoyen.
En France, dans le même esprit, de nombreux collectifs et associations s’évertuent à défendre ce que les systèmes s’acharnent à détruire, ainsi qu’à mettre en place d’autres façons de vivre ensemble, de lutter ensemble. Ils montrent que l’idée de la solidarité ne risque pas de tomber dans les oubliettes.
L’enjeu de ce numéro est de témoigner des effets délétères qu’engendrent les politiques d’austérité sur les valeurs qui ont fondé nos institutions, mais surtout de donner la parole à celles et ceux qui expérimentent la solidarité comme socle de la vie en commun, en font l’outil et le but des luttes afin de contribuer à stimuler l’engagement qui sommeille en chacun de nous.