Le stop aux urgences

Klervi Guinemer
Interne de médecine générale

C’est l’été. Je suis de garde dans un petit hôpital de la côte. Il est 18 h 30, déjà deux heures d’attente aux urgences.

19 heures, Mme V., une patiente hollandaise, arrive amenée par les pompiers.

21 heures, je prends son dossier. Mme V. est stressée.

Nous communiquons en anglais en tâtonnant.

Elle et son mari font du bateau pour leurs vacances. Elle me raconte que devant des douleurs dans le bas du dos, d’apparition brutale, ils ont appelé le 15, qui leur a envoyé les pompiers, pour faire le point avec un médecin. Mme V. a fait quelques mois auparavant des coliques néphrétiques. Elle craint que ce soit une récidive.

Je l’examine, en discute avec mon senior et retourne voir le couple. Je leur explique que nous souhaiterions faire un bilan biologique et que cela prendra minimum 1 h 30, voire 2 heures d’attente. Le mari me dit que ce n’est pas possible pour eux de rester. Leur bateau est amarré à un plus gros bateau qui part vers 3 heures du matin, il faut absolument qu’ils soient rentrés avant. Après discussion, nous trouvons un compromis : des antalgiques, une ordonnance de prise de sang à faire en ville. Demain matin, s’il persiste des douleurs, elle reconsultera.

22 heures, vent de panique… Comment rejoindre leur bateau ? Nous appelons avec l’infirmière toutes les cartes de taxi qui existe aux urgences, en vain. Toutes les sociétés sont fermées.

Parallèlement, je m’occupe d’un autre monsieur. Devant un bilan rassurant, la sortie est imminente. En reprenant son dossier pour lui dire au revoir, je vois qu’il habite juste à côté du port où est amarré le bateau du couple V.

Ni une ni deux, avant qu’il ne disparaisse, je le rattrape. Un peu gênée, je lui demande s’il peut les ramener. Surpris d’une telle requête, il accepte !

Même si la démarche est peu orthodoxe, je suis soulagée, tout comme M. et Mme V.

À deux autres reprises, j’ai ainsi « fait du stop » pour des patients afin de leur éviter des heures d’attente inutile aux urgences. Il m’a suffi de faire une annonce dans la salle d’attente pour leur trouver des chauffeurs.


par Klervi Guinemer, Pratiques N°74, juillet 2016

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