C’est pour un sondage ?

Sylvie Cognard
Médecin généraliste retraitée

Lilian est devenu tétraplégique suite à un accident de moto. Je suis son médecin traitant et j’ai appris avec lui tout ce qui concerne les soins à apporter à ce type de handicap. Avant, je n’y connaissais rien. Je lui rends visite une fois par mois. Les infirmières passent tous les jours matin et soir pour le lever et le coucher. Une aide à domicile passe tous les midis.

Il a un appareillage électrique qui lui permet de pisser. Voilà qu’un jour l’appareil tombe en panne, un sondage est nécessaire. Au téléphone, Lilian refuse de se rendre aux urgences du CHU, il souhaite faire cela à domicile. L’infirmier qui s’occupe de lui ce jour n’a pas le droit de poser une sonde car ce n’est pas un changement, mais une « première pose » qui doit être effectuée par un médecin. Allez comprendre, mais c’est comme ça. Lilian me passe l’infirmier et après avoir recensé le matériel nécessaire, nous convenons d’une heure de rendez-vous en milieu d’après-midi.

15 h 30 dans la chambre de Lilian allongé sur son lit médicalisé.
-  Ça doit bien faire 15 ou 20 ans que je n’ai pas effectué ce geste…
-  Vous allez bien y arriver, même si cela a toujours été très difficile de me sonder…

Pour sonder un monsieur, il faut mettre le pénis à la verticale pour y introduire la sonde préalablement huilée. Parvenu au sommet de l’angle que fait l’urètre avec l’abdomen, il faut ensuite le mettre à l’horizontale pour faire progresser la sonde jusqu’à la vessie. L’affaire est délicate et glissante. Certes je ne risque pas d’infliger une quelconque douleur à Lilian, puisqu’il ne sent rien avec sa tétraplégie, mais tout de même, il ne faudrait pas léser l’urètre. Ça fait dix minutes que je patine et je commence à avoir très chaud comme si j’allai tourner de l’œil. Je fais une pause pour ôter mon pull et découvre un très joli débardeur ajusté en dentelle. Lilian me dit : « Ben Docteur, si vous espérez faire redresser mon truc avec un strip-tease, c’est peine perdue, il ne fonctionne plus depuis mon accident ! »

S’ensuit un fou rire mémorable. Quand je reprends l’affaire, la sonde passe sans problème et la vessie de Lilian se soulage enfin dans le sac à urine.


par Sylvie Cognard, Pratiques N°82, juillet 2018

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