Présenté par Éric Bogaert
Psychiatre de secteur
Martine Deyres avait déjà réalisé, en 2015, Le sous-bois des insensés. Une traversée avec Jean Oury, et Jean Oury, rencontre à la Borde.
Elle réalise là un montage d’extraits de vieux films retrouvés dans un carton de la bibliothèque du centre hospitalier de Saint Alban, avec des photos et des commentaires. Certains, archives sonores, nous font entendre Balvet, Bonnafé, Tosquelles, d’autres sont des enregistrements d’infirmiers témoins de cette époque. Certains de ces films ont été tournés par Francesc (la réalisatrice lui conserve son prénom catalan) Tosquelles lui-même, d’autres par des membres du personnel. Ce montage, qui respecte ici ou là les écrans d’intertitres pédagogiques insérés par Tosquelles, nous montre la vie quotidienne des malades, des soignants, des religieuses, de la population, l’art brut, la guerre, la résistance… Il est un témoignage vivant, sensible, émouvant, subtilement pédagogique, d’une nostalgie poétique, de ce pan de l’histoire de cet hôpital à dimension (au propre et au figuré) humaine, qui se confond avec les débuts de l’histoire du mouvement de la psychothérapie institutionnelle. On voit, on perçoit, une ambiance respectueuse et attentive à l’autre, fou, et le souci qu’il vive une vie d’homme, de citoyen. On voit, on perçoit, sans grandes explications théoriques, ce qu’est la psychothérapie institutionnelle. On la voit naître.
Et surtout – c’est pourquoi cette note a sa place dans ce numéro de la revue, à la croisée d’un Éloge et d’un manifeste – on entend ce témoignage, que j’ignorais, et dont les sources ne sont pas citées, que Bonnafé (inventeur du secteur psychiatrique) et Tosquelles (inventeur de la psychothérapie institutionnelle) appelaient, au cours de leurs « visites à domicile » dans les monts et causses de Lozère, leur travail de l’époque, la « géo-psychiatrie » ! L’urbanisme a bien sa place dans cette affaire.
* Les heures heureuses, film réalisé par Martine Deyres, les Films du Tambour de Soie, 2019.