Éloi Valat
Dessinateur
11 mai 2020
Premier jour d’après
Quand je le vis,
il cabotait sur le trottoir, se repoussant d’un coup d’épaule sur les vitrines d’une rue — si bien nommée d’un Saint-Quelconque — pour reprendre l’axe sinueux
d’un cheminement égaré, un poing refermé sur
une impatiente colère, maugréant des intentions brutales, à l’autre main une cannette de bière, soubresautante, dégoulinait en filets jaunes poisseux,
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nous allions nous croiser, lui titubant, moi appuyant
sur les manivelles de la bicyclette, ici la rue est montante,
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sur le qui-vive et pressentant la chose, soucieux de me mettre à l’abri, impulsant, alors, à ma machine l’amorce d’une courbe financière,
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quand un puissant jet de salive, franchissant la distanciation sociale, explosa un crachat sur ma veste.
...
Une dégueulasserie, mais quoi !
le petit-bourgeois déconfiné et le damné de la rue à perpétuité, l’insulteur et le révolté.
12 avril 2020
Apologue
Dénoncé pour un crachat sur deux passants pour une cigarette refusée, J., 27 ans, réfugié Afghan, porteur d’un titre de séjour, est violemment et illégalement arrêté par trois policiers d’une CRS. Avant d’être transporté dans un terrain vague éloigné de 30 km où il est abandonné, J. aura été insulté et battu (« Parce que ça fait du bien, ça soulage. »).
…
Les trois policiers seront condamnés, deux à une peine de prison ferme. Les trois policiers ont présenté leurs excuses à J.