Comment faire reconnaître la nécessité de protéger le travail invisible sans le faire disparaître ni le pervertir ? L’essentiel des activités humaines, dans le privé, au travail ou plus généralement dans la société ne se voit pas, ne se dit pas et donc ne se compte pas. L’attention à l’autre, la réflexion sur les évènements privés ou publics, la créativité mise en œuvre pour mener à bien les objectifs au travail, les affects mobilisés par les conflits de valeurs, s’étendent nettement au-delà de ce qui peut être revendiqué, évalué, objectivé dans la sphère professionnelle. La protocolisation galopante, les multiples référentiels qui prétendent encadrer toute activité salariée, et donc la prescrire, ont montré leurs limites et surtout leur danger : faire progressivement disparaître ce qui ne peut être énoncé. Tout cela est particulièrement criant dans les situations de soin. Cette réalité déborde aujourd’hui largement le statut des femmes dans la société, cependant, qu’il s’agisse des médiatrices dans les banlieues ou des infirmières dans les hôpitaux, il s’avère qu’il reste difficile pour les femmes de s’affranchir de la soumission de genre qui contribue à invisibiliser une part essentielle de leur activité.
N°52 - février 2011