Quel rôle pour l’expertise citoyenne ?

La législation a changé récemment sur la place donnée aux associations citoyennes, en défaveur de ces dernières...

Paul Scheffer
doctorant contractuel enseignant à Paris 8, président de l’ADNC www.adnc.asso.fr~

Le Réseau Environnement Santé (RES) et un ensemble d’associations se sont fendus d’une lettre ouverte [1], il y a quelques mois, à la ministre de l’Environnement pour protester contre la nouvelle législation qui limite le pouvoir de participation des associations au processus de décision : « Pour pouvoir participer aux instances officielles, consultatives ou décisionnelles, une association agréée devra désormais compter au moins 2 000 adhérents répartis dans au moins six régions. Quant aux associations d’utilité publique, elles devraient exercer leur action sur la moitié des régions au moins, et disposer d’un minimum de 5 000 donateurs, pour pouvoir se faire entendre. De plus, l’Etat s’octroie le droit de vérifier les conditions de financement des associations pour s’assurer « de leur indépendance » » nous dit le RES. De nombreuses associations ont joué un rôle essentiel de lanceur d’alertes environnementales, comme Inf’OGM, Générations Futures, le RES. Ces mesures apparaissent d’autant plus à contre-courant de l’intérêt général que la thèse soutenue récemment de la sociologue Régine Boutrais, qui travaille à l’ANSES, montre de manière fort détaillée justement le rôle clé joué par l’expertise citoyenne dans ce domaine [2].
Le RES a obtenu récemment une belle victoire avec le retrait du Bisphénol A, il reste aussi très mobilisé sur la question des pesticides. Il rappelle que les dernières études ont mis en évidence « une nette supériorité des produits bio sur au moins deux critères : la teneur des fruits et légumes en polyphénols et autres antioxydants, et la teneur du lait en
acides gras oméga 3 (+ 68 % d’oméga 3 dans les produits bio par rapport aux conventionnels selon la moyenne des onze études comparatives publiées depuis 2003) » [3]. Les produits bios contiennent moins de résidus de pesticides, un aliment sur dix est concerné, contre un sur deux en conventionnel. Ces résidus ne sont pas anodins pour le RES : « Une méta-analyse publiée au Canada a conclu que sur deux cent sept publications scientifiques mettant l’exposition aux pesticides et diverses pathologies (cancer, neurotoxicité, problèmes de reproduction, génotoxicité, problèmes dermatologiques), cent soixante-treize concluaient à une corrélation positive entre l’exposition et l’incidence de ces maladies ». Sans compter les effets des insecticides, très utilisés en France, sur le système nerveux encore récemment rapportés dans des études publiées en avril dernier dans le Environmental Health Perspectives  : « des effets qui apparaissent même à très faibles doses, notamment après l’exposition de la mère pendant la grossesse ou des enfants en bas âge ».
Il semblerait que le gouvernement soit toujours adepte de la méthode visant à casser le thermomètre au lieu d’essayer de remédier à la température...


Quel rôle pour l’expertise citoyenne ?

par Paul Scheffer, Pratiques N°56, février 2012


[2_Régine Boutrais, « Dynamiques associatives et santé environnementale : Vers un nouveau mode de développement ? », Thèse de sociologie, Université Paris Dauphine, soutenue en novembre 2011.

[3Tribune du RES dans Le Monde (19 juillet 2011).


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