Longtemps, les médecins ont évité les usagers de drogue. Ils ne sont ni préparés ni formés à leur accueil et, du fait de la prohibition, ne sont pas prêts à reconnaître ces consommations, alors qu’eux-mêmes peuvent avoir expérimenté des drogues, tabac ou alcool notamment, et qu’ils prescrivent facilement des médicaments psychotropes. Jusqu’à l’épidémie sida, qui a obligé les pouvoirs publics à prendre en compte les usagers de drogue, ceux-ci étaient livrés à l’indifférence, voire à l’hostilité des soignants, et renvoyés à leur clandestinité, aux forces de l’ordre ou, au mieux, aux psychiatres. Seuls quelques médecins, soucieux de leurs problèmes somatiques, les considéraient comme des patients. Puis vint le temps de la substitution, redonnant aux médecins un rôle et un statut, celui bien connu de prescripteur. Malgré le contact renoué par ce biais, les représentations des drogues illicites ont peu évolué chez les soignants, qui en majorité les considèrent surtout comme des dangers dont il faut à tout prix s’affranchir. Une clinique à l’écoute des usagers reste encore à construire, qui permettrait aux soignants d’entrevoir le champ de créativité et de liberté qui amène certains de leurs patients à consommer.
N°58 - juillet 2012