Présenté par Sylvie Coignard
L’ouvrage n’est pas récent puisqu’il a été édité en 2004. Il reste cependant d’une actualité cuisante au regard de ce que la médecine soigne aujourd’hui : non pas les maladies infectieuses d’hier, mais des maladies en grande partie induites par la pollution de notre environnement. Des affections cardiovasculaires à la stérilité masculine, en passant par le diabète et l’asthme, nombre de maux dont nous souffrons sont d’origine artificielle, en quelque sorte « fabriqués » par l’homme.
Le professeur Belpomme s’appuie sur son expérience de cancérologue. Depuis la seconde guerre mondiale, le nombre de décès provoqués par le cancer a doublé en France. Le tabac est le premier accusé, alors qu’il n’en explique qu’environ un cinquième, les quatre cinquièmes restants étant essentiellement liés à la dégradation de notre environnement. Ainsi donc, la médecine soigne, à grand renfort de technologies et de budgets allant grossissant, des affections que notre monde industrialisé crée. L’ouvrage met en cause le libéralisme économique aveugle fondé sur le profit, qu’il désigne comme étant le « cancer » de l’humanité. Il dénonce trois formes d’imposture. L’imposture médicale par exemple, les transplantations de cellules embryonnaires dans le cerveau pour traiter le Parkinson ou la maladie d’Alzheimer, ou encore les promesses insensées des thérapies géniques. Cette imposture amène une matérialisation du vivant et de ce fait sa marchandisation.
L’imposture scientifique fait naître de faux espoirs chez les patients en proposant des procédés irréalistes concoctés par des apprentis sorciers qui participent à l’illusion de l’immortalité. Des médecins et des chercheurs « spectacle », dont les prouesses sont médiatisées à l’extrême.
L’imposture technico-industrielle par le manque d’indépendance de la recherche et les conflits d’intérêts de certains avec l’industrie pharmaceutique. Des résultats de recherche truqués pour promouvoir certains médicaments, des tromperies dans le domaine de l’épidémiologie pour montrer le progrès où il n’est pas, car sans progrès, pas d’argent, pas de crédits.
Si, après avoir lu ce livre, on évoque les maladies dont l’origine est socio-économique, on sera tenté d’adhérer à la conception de la Némésis médicale vengeresse et cannibale d’Ivan Illich.
* Pr Dominique Belpomme avec Bernard Pascuito, Ces maladies créées par l’homme, Albin Michel, 2004