Didier Ménard
Médecin généraliste
Quand j’étais jeune externe en psychiatrie à l’Hôtel-Dieu à Paris, nous recevions en consultation des malades souffrants de douleurs lombaires. Ces malades étaient adressés par le service de rhumatologie, avec l’indication d’une prise en charge d’un syndrome dépressif qui les poussait à majorer leur douleur. À la question : « Pourquoi ont-ils mal au dos ? » La réponse était toujours la même : arthrose lombaire, mais la radio est normale. Si la radio est normale, si la douleur est normale avec l’arthrose, si le docteur rhumatologue a dit que ce n’est pas un problème d’articulation, alors cela devient un problème de psychiatre. À lui d’expliquer que si la douleur est si intense, c’est que la psychologie du malade est elle-même en souffrance et que cela explique l’inefficacité des traitements contre la douleur. À lui alors de proposer un traitement antidépresseur, une psychothérapie cognitive, voir analytique… Nous ne manquions pas de ressources, quant à savoir si elles furent efficaces en ce qui concerne le mal de dos la réponse est non : les malades ne sont vraiment pas aidants ! Puis arriva le sauveur : le scanner. La révolution diagnostique était en marche. Nouveau moyen, nouvelle pratique. On soumit à tous nos malades psychiatriques du dos le scanner lombaire et là, ô miracle de la technicité, le diagnostic devint évident : ils avaient tous à des degrés différents le célèbre conflit disco radiculaire. Ce qui expliquait la douleur. Cette fois, la radio n’est plus normale donc vous n’êtes plus fous, vous êtes porteur d’une hernie discale. Bon, la solution thérapeutique n’en est pas pour autant simple, mais le malade retrouve son statut de malade lombaire, c’est quand même moins grave que malade psychiatrique et c’est surtout plus proche de la vérité. À propos de vérité, à ma connaissance, jamais aucun rhumatologue n’a adressé à un malade une lettre d’excuse pour l’avoir pris pour un simulateur fou.