Présenté par Lionel Leroi-Cagniart
Psychologue du travail
Andreas Malm est maître de conférences en géographie humaine. C’est l’étude spatiale des activités humaines à la surface du globe. Suédois, il milite pour le climat. Son livre, La chauve-souris et le capital, est traduit par Étienne Dobenesque. Écrit pendant le premier confinement, il est publié aux éditions La fabrique en septembre 2020.
Pour sortir de l’impasse, l’auteur propose une stratégie pour l’urgence chronique et faire cesser entre autres le débordement zoonotique. Quand les agents pathogènes animaux se frayent un chemin jusqu’à nous au point de nous causer la peste bubonique, la rage, le VIH, Ebola et devinez qui d’autre ? Notre nouvelle star, le coronavirus.
La première moitié du livre nous raconte comment voyagent les virus à travers les espèces et ce qui motive ces migrations. Passionnant. Factuel. Ultra-didactique. Les réactions humaines à ses intrusions, motivées par la peur et l’angoisse, ont ceci de particulier que dans un monde capitaliste, motivé par des priorités économiques notamment, les modes de protections se mesurent à l’aune de l’intérêt monétaire prioritairement. À hauteur de globe, ça donne une approche Nord/Sud. Entre autres. Au nord, on opposera ville/campagne. Ou, capitale/banlieue. Au sud, on sera plus direct : riches/pauvres. Globalement, c’est kif-kif.
Alors quoi ? « La meilleure protection contre les zoonoses virales est le maintien des barrières entre les réservoirs naturels et la société humaine. » Petit souci, quand le capital entre en relation avec le monde sauvage, il en extrait une valeur d’usage et c’est alors que la nature est rasée, capturée, encagée et emportée sur le marché. Mangée de l’intérieur. Bois issu de la déforestation, animaux sauvages au marché noir etc. et autre joyeux travers (de porc ?).
« Le capital ne cherche pas à détruire, juste à se reproduire. Il est dans son ADN de s’accrocher et d’absorber. Contrairement à d’autres parasites, il ne peut se contenter de végéter. »
En 2018, une équipe de chercheurs concluait : les chauves-souris provoqueront une pandémie, ce n’est qu’une question de temps. Les migrations animales, dues au climat et à l’activité humaine perturbante, libèrent quelques virus, pour le dire gentiment. Visiblement, ce n’est que le début de l’urgence. Et c’est peut-être parce qu’on manque de temps pour stopper le délire qu’Andreas Malm nous propose une solution radicale : le communisme ! Vous plissez le front ? Moi aussi, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. Selon l’auteur, il y aurait un bénéfice à tirer du charme de l’autoritarisme d’un gouvernement qui planifierait le bon sens et le bien au travers de décisions qui s’imposeraient à tous. Vous trouverez quelques exemples dans son livre à la seconde moitié. Il existe donc une efficacité à contraindre les peuples pour le bien de la planète et donc pour leur bien. Son analyse du capitalisme et de ses conséquences est convaincante, mais j’ai toujours trouvé suspect qu’on me dise : c’est pour ton bien !
Qu’il faille aller vite est évident. Climatiquement, l’urgence est là. Que le capitalisme dont la devise est business-as-usual soit visé par des mesures coercitives au nom d’un projet global de protection sanitaire, évidemment. Mais comment tordre le bras du capitalisme sans asservir la liberté ? Oui, oui, je sais, le capitalisme n’est pas synonyme de liberté. D’ailleurs, elle est où ?
« Si nous ne voulons pas vivre sur une planète enfiévrée habitée par des gens fiévreux, il faut des méthodes révolutionnaires. » Ok Andreas, mais lesquelles ? La majorité va-t-elle suivre celles que tu proposes ? Un bon livre pour en débattre efficacement.
*Andreas Malm, La chauve-souris et le capital, Stratégie pour l’urgence chronique, La fabrique éditions, septembre 2020.