L’austérité fait crever les pauvres

Il existe un foisonnement d’études sur les conséquences de la « crise » sur la santé dans le monde. Les constats sont là, effrayants… Nous assistons à la casse généralisée de l’humain par les dictateurs de la finance.

Sylvie Cognard,
médecin généraliste

En Grèce, on note une augmentation de 40 % des suicides en un an. Chiffres comparés entre le premier trimestre 2011 et le premier trimestre 2010. En Grèce toujours, le nombre de cas de VIH-Sida a progressé de 52 % en un an. Parallèlement, il semble que la consommation d’héroïne et la prostitution aient augmenté en un an. Ceci explique peut-être cela. La désespérance induite par les traumatismes répétés au quotidien, des mesures d’austérité dictées par la finance mondiale et relayées par les gouvernements de gauche comme de droite, augmente inexorablement.
Le Monde Diplomatique relaye une information du site collaboratif Global Voices qui se fait l’écho de l’émoi suscité en Grèce par le traitement réservé à certaines parturientes : des hôpitaux publics grecs ont refusé de prendre en charge des femmes qui allaient accoucher car elles ne pouvaient payer le forfait de 950 euros (coût de l’acte hospitalier unifié et intégré, selon le barème du ministère de la Santé), 1 500 euros pour une césarienne. Les femmes enceintes versent cette somme à l’avance et, par la suite, elle leur est remboursée via une allocation-naissance. Avec quelques jours de retard, le ministère a publié une circulaire pour confirmer qu’il ne serait plus obligatoire de verser cette somme par avance, mais sans toutefois préciser si la somme serait déduite du montant de l’allocation-naissance.
En Allemagne, pays soi-disant modèle, un article de Romandie News nous informe que l’espérance de vie a baissé de deux ans en moyenne pour les plus pauvres, davantage en Allemagne de l’Est, plus de trois ans. Dans les anciens länder d’Allemagne de l’Est, la chute de l’espérance de vie des petits revenus, ceux qui touchent moins des trois quarts du revenu moyen, est encore plus marquée : elle passe de 77,9 ans à 74,1 ans, sur la même période. Des chiffres officiels obtenus et publiés par le groupe parlementaire de la gauche radicale Die Linke, après une question écrite au gouvernement, montrent qu’alors que l’espérance de vie moyenne continue d’augmenter en Allemagne, celle des personnes aux revenus les plus faibles est passée de 77,5 ans en 2001 à 75,5 ans en 2010. Le recul de l’espérance de vie est le signe d’une forte dégradation du niveau de vie : chômage, habitat, alimentation, accès aux soins de santé. Et cela,
dans le pays le plus riche d’Europe... Le journal l’Humanité note que : « Le lien est patent entre ce recul dûment enregistré de l’espérance de vie des plus pauvres et la formidable entreprise d’écrasement des coûts salariaux, qu’ont constitué les réformes antisociales mises en œuvre durant la décennie par Gerhard Schröder puis par l’actuelle chancelière. Les mesures adoptées ont conduit à de terribles déclassements et ont fait grossir d’autant plus vite le nombre de travailleurs pauvres qu’il n’existe pas de salaire minimum légal outre-Rhin. »
On ne trouve pas de telles études pour la population française, mais il y a fort à parier qu’elles iraient dans le même sens. Le récent combat pour les droits à la retraite fait apparaître cette volonté de nos gouvernants de faire travailler les individus jusqu’à ce que mort s’ensuive, afin de ne pas leur verser de pension.
Partout dans le monde, ce sont les mêmes financiers qui, selon la loi de maximalisation du profit, sont responsables du meurtre collectif par la faim de millions d’êtres humains. Rappelons que toutes les cinq secondes, un enfant meurt de faim et que 37 000 personnes chaque jour sont tuées par la sous-alimentation, tandis que la spéculation boursière sur les aliments de base et le vol des terres arables permettent aux géants de l’agroalimentaire et aux trusts de biocarburants de se gaver. La faim n’est pas une maladie !
Le cynisme des grands financiers n’a pas de frontières.
Il serait intéressant de faire de telles études sur l’impact de la « crise » sur la santé, notamment l’espérance de vie et le taux de suicides, dans les pays dont les peuples ont refusé de payer la « dette », comme en Islande et dans certains pays d’Amérique Latine...


par Sylvie Cognard, Pratiques N°57, mai 2012

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