Séraphin Collé
Médecin généraliste
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- Le rire peut être un effet secondaire médicamenteux et il est contagieux...
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En cours de formation pour un diplôme complémentaire en soins palliatifs, j’effectue un stage d’une semaine dans une unité de soins palliatifs. Je dois assister un patient et une infirmière pour la réfection du pansement.
Ce patient est atteint d’un cancer du rectum en stade terminal. Il est très douloureux et le patient a besoin de doses de morphine très importantes. Je discute avec lui et il m’explique qu’il appréhende beaucoup le pansement qui réveille la douleur. Il m’avoue qu’il préfère fumer du cannabis avant pour s’apaiser. Il m’explique que le masque l’aide beaucoup également et que je verrai que ça peut aider les soignants aussi...
Il est maintenant installé allongé sur le ventre. Le pansement doit être réalisé dans les meilleurs conditions d’asepsie. Il faut des grands champs, une blouse et des gants stériles ainsi que des masques à usage unique.
Dès que l’ancien pansement est retiré, le patient commence à inhaler dans le masque le KALINOX®. C’est un gaz, mélange équimolaire oxygène/protoxyde d’azote ou MEOPA, qui sert pour les soins douloureux et que le patient manipule seul. Le masque doit être retiré s’il n’y a plus de communication verbale avec le patient.
Je vois que les prises répétées du gaz le calment. Sa voix devient plus lente, ses traits se détendent, ses yeux se ferment et il parle : « C’est comme une chicha » ; il sourit, il rit.
Moi je l’écoute, le regarde (je préfère éviter de fixer mon attention sur le pansement) et sous l’effet du gaz qui s’échappe du masque, je ris et l’infirmière aussi. Le pansement dure une demi-heure mais le temps n’a pas d’importance dans ces conditions...
Je n’ai jamais vécu de pansement aussi difficile et cependant aussi joyeux.
Quelques jours après la fin de mon stage, j’apprenais que ce patient était décédé...