Jean-Louis Garnell, photographe

Philippe Bazin
Photographe

Né en 1954, Jean-Louis Garnell appartient à cette génération de photographes français, avec Patrick Tosani, Florence Chevallier, Yves Trémorin, Patrick Faigenbaum ou encore Jean-Luc Moulène (tous photographes publiés dans Pratiques), qui a œuvré dès les années 80 à une profonde rénovation de la photographie française, face à la suprématie du photojournalisme de cette époque. Ainsi, Jean-Louis Garnell fut-il l’un des artistes choisis pour la Mission Photographique de la DATAR, importante commande de l’État français visant à renouveler la vision du paysage et du territoire à la fin du XXe siècle dans notre pays. La singularité de Garnell pourrait s’exprimer par un subtil mélange de recherche expérimentale autour du médium photographique en même temps qu’une recherche d’ordre documentaire très critique des territoires laissés aux fins de constructions de routes, maisons pavillonnaires.

De ce point de vue, la série « Désordres » laisse toute la place à l’interrogation sur la nature de ce que l’on voit. Les gens, présents à l’image par fragments de corps, sont affalés sur le lit, la pièce est jonchée d’objets abandonnés, de bols, de médicaments, etc.

On voit les effets d’une société de consommation qui semble retenir les gens chez eux, le point de vue photographique toujours légèrement surplombant renforce cette impression. Le courrier en attente, le casque de chantier, les mégots par terre, les serviettes de bain, les reliefs d’un repas, tout cela nous montre des gens semblant être dans l’inaction, la pesanteur de l’existence, alors qu’il en va tout au contraire. L’environnement, les conditions de vie, la « pollution » domestique, l’hygiène de vie, l’automédication, pourraient nous laisser penser qu’il s’agit du « sujet » de ces photographies.

Il est intéressant alors de prendre en compte la réaction de Jean-Louis Garnell à la sollicitation de Pratiques : « Lorsque François Cheval, directeur du Musée Niepce à Chalon-sur-Saône, avait montré la série complète de ces « Désordres » au Festival Lianzhou Foto 2012, le titre Désordre avait été traduit en chinois dans toutes les publications par Maladie. J’en avais été très surpris et avais réagi fortement pour chercher une traduction plus conforme. D’autant que mes voisins chinois du dessous et des étudiants m’avaient immédiatement trouvé une traduction exacte du mot signifiant bien Désordre, sans aucune ambiguïté, ni en mandarin, ni en cantonais. J’avais cru déceler, bien sûr à tort, une volonté politique là dessous…

Et ici en France, dans la revue Pratiques, le Désordre publié en couverture est associé à ce titre Maladies évitables… Je dois me rendre à l’évidence, il doit y avoir quelque chose à creuser…

Ces photographies ont été prises en 1987-1988, dans des appartements d’amis, de connaissances, d’amis de connaissances, etc. Tous les occupants avaient des vies bien occupées, riches en relations, et je voyais le désordre comme le signe d’une vie active ou le matériel n’occupait qu’une part somme toute bien relative. »

Pour voir la série complète de ces Désordres, parmi de nombreuses autres, et en couleur cette fois-ci : www.jeanlouisgarnell.net

Actualité de Jean-Louis Garnell au Centre Pompidou à Paris :
-  Qu’est-ce que la photographie ?
du 4 mars au 1er juin 2015 Galerie de photographie
-  Une histoire. Art, architecture, design, des années 1980 à nos jours.
2 juillet 2014 - 7 mars 2016 Musée National d’Art Moderne, Niveau 4


par Philippe Bazin, Pratiques N°69, mai 2015

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