Île déserte

Martine Lalande
Médecin généraliste

Gennevilliers est classée dans les déserts médicaux, c’est l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui l’a dit. Pourtant sept jeunes médecins se sont installés depuis cinq ans dans des cabinets de groupe — contre deux départs à la retraite —, et le centre de santé municipal vient de tripler sa surface, attirant de nombreux jeunes médecins qui souhaitent être salariés. Une foule d’étudiants en stage se succèdent dans les cabinets et un bon nombre voudrait rester. Il y a un pôle de santé universitaire, qui regroupe plusieurs cabinets et des paramédicaux, et qui travaille avec des réseaux très dynamiques et reconnus. À côté, une autre ville, Villeneuve-la-garenne, qui ne bénéficie pas de la politique d’une mairie communiste et où les habitants sont encore plus pauvres, est bien plus déshéritée : médecins vieillissants dont un grand nombre va partir à la retraite, fuite des spécialistes (dermatologue et pédiatre sont partis dans d’autres communes plus riches, ORL à la retraite non remplacé), transformation d’un hôpital local qui faisait des urgences et tente de conserver quelques consultations de spécialistes, un centre de la Croix-Rouge pas très bien équipé, très peu d’infirmiers et de kinés... Plusieurs cabinets participent au même pôle de santé universitaire, mais leurs conditions d’exercice sont plus difficiles encore qu’à Gennevilliers, et les perspectives moins ouvertes. Limitrophe, mais dans un autre département (le 93, bien moins riche que le 92), l’Ile-Saint-Denis, huit mille habitants et plus qu’un seul cabinet, voit tous ses médecins partir à la retraite. Heureusement, une chef de clinique de médecine générale remonte une activité avec des jeunes médecins, seule perspective de survie d’une « offre de soins de premier recours » sur une île qui ne compte aucun spécialiste ni centre de santé. Où est l’erreur ? En regardant les cartes de densité médicale établies par l’ARS, on découvre qu’une tache de faible couleur (la plus faible densité du département) regroupe Gennevilliers, Villeneuve et l’Ile-Saint-Denis qui, pour les institutions, ne font qu’un seul « bassin de vie », même si les infrastructures sont complètement différentes dans le 93 et le 92, les politiques des villes aussi. On a l’explication de la méprise, mais quelles solutions seront proposées ?


par Martine Lalande, Pratiques N°60, janvier 2013

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