Un groupe de femmes en noir, tête haute, marchant sur un chemin de terre avec parfois un pas de côté...On se croirait chez Almodovar, elles vont d’ailleurs au cimetière, où elles se séparent dans les deux allées, côté chrétien et côté musulman. C’est un film de femmes, qui se passe au Liban, dans une région perdue coupée du monde par des canyons de bombes.
Deux communautés dans le village, un prêtre et un imam, et les échos de la guerre. En permanence, les femmes rusent pour éviter le conflit entre les deux communautés d’hommes : en se disputant bruyamment quand le village réuni pour regarder la télé, récupérée, bricolée, branchée en plein air, risque d’apprendre les nouvelles de la guerre, en organisant la transe de la femme du maire devant la vierge à cause des péchés de la communauté qui n’arrive pas à s’entendre, et même en convoquant des call-girls venues de l’Est pour faire diversion : jeunes femmes blondes à hauts talons pour qui ce sont des vacances, car elles sont bien traitées et dont il faudra ensuite soigner les coups de soleil. Mais le clou du film est lorsque les esprits échauffés des belligérants fomentent une vraie guerre, avec provision de fusils, et qu’elles passent à l’action. Assises en ligne le long d’une table comme pour une cène, elles préparent un repas auquel elles ont fait convoquer tout le village par le prêtre et l’imam concertés. Elles rient et chantent, et confectionnent des plats pour la soirée, dont des gâteaux pleins de haschich. Succès complet : tous mangent et festoient ensemble puis dorment profondément tandis qu’elles vont chercher les armes pour les enterrer. Le lendemain offre une surprise de taille à leurs conjoints mal réveillés... mais cela, il faut le découvrir en allant voir le film. Avec grand plaisir, devant cet humour désarmant face à une situation tellement tragique.
Présenté par Martine Lalande
N°58 - juillet 2012
Haschich contre la guerre : Et maintenant on va où ? de Nadine Labaki, cinéaste libanaise
par , Pratiques N°58, juillet 2012