Édito du n° 59

Didier Ménard
Médecin généraliste

Les cinq années de présidence de Sarkozy ont été une calamité pour l’accès aux soins : la taxation de la maladie, le laisser filer des dépassements d’honoraires, l’incroyable complexité développée pour l’accès aux droits sociaux ont conduit un Français sur quatre à renoncer aux soins. Triste bilan. L’arrivée de la Gauche au pouvoir peut-elle, au-delà des formules consacrées, véritablement changer la donne ? Où et comment le curseur des réformes va-t-il être déplacé ? Différents choix sont possibles. Qui va l’emporter entre le libéralisme de gauche qui est dominant actuellement et le socialisme qui reste une espérance ? Qui peut conduire le système de santé à la reconquête des valeurs de solidarité, de justice, d’égalité ?
La société libérale a exacerbé l’individualisme comme valeur fondamentale, permettant l’émancipation de l’Homme. Que cela soit dans le monde du travail ou dans la vie de tous les jours, nous mesurons, dans nos consultations, d’effroyables dégâts humains provoqués par cette idéologie. Faut-il donc adapter le système de santé pour accompagner au mieux, c’est-à-dire en minimisant les effets néfastes, ce soi-disant progrès social comme le propose Terra Nova, ou au contraire combattre encore plus cet individualisme pour le développement de toutes les formes d’actions collectives ? Dans ce monde libéral, où la concurrence entre les êtres est de plus en plus féroce pour accéder aux besoins fondamentaux qui définissent une vie décente, donner des soins ne se réduit pas à un acte technique, mais bien à un savoir donner, recevoir et rendre. Ces savoir-faire se construisent collectivement.
Il est incontestable qu’il est nécessaire de changer le système de santé pour changer la vie, mais il ne s’agit pas de faire table rase de l’existant, bien au contraire.
Inlassablement, à la marge de ce système en crise, des acteurs de la santé, des citoyens montrent avec patience qu’il est possible de faire autrement, et agissent dans une philosophie plus décente du respect humain.
Les Réseaux de Santé, l’exercice regroupé des soins ambulatoires, la collaboration entre l’hôpital et la ville, la santé communautaire, les collectifs de citoyens pour la défense de l’offre de soins de proximité, des groupes de formation des médecins indépendants de l’industrie pharmaceutique… sont des innovations où s’exprime une solidarité collective permettant d’étayer les fondations de la transformation du système de santé.
Oser le changement, ce n’est pas proposer tel ou tel catalogue de réformes, même si elles sont nécessaires. Oser le changement, c’est reconstruire avec le système de santé un véritable projet de société plus égalitaire et plus juste.


par Didier Ménard, Pratiques N°59, octobre 2012

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