Didier Ménard,
Médecin généraliste
À Pratiques nous sommes meurtris. Cabu, Wolinski ont collaboré à la revue à ses débuts, et nous gardons le souvenir de ce soutien comme une aide précieuse donnée par des amis. Ces amis sont morts à la table de la rédaction du journal, à la table de la liberté. Nous sommes concernés, parce que nous aussi, nous connaissons les comités de rédaction, le chemin de fer, l’ambiance du bouclage, le débat sur la couverture... le faire-ensemble pour sortir le prochain numéro de la revue. Nous sommes libres car nous usons de la liberté d’expression pour défendre notre conception du soin et de la santé, nous l’utilisons pour que des auteurs puissent écrire qu’ils sont pour l’euthanasie, contre la main mise de l’industrie pharmaceutique sur la prescription pharmaceutique, que la santé n’est pas une marchandise, que l’on ne peut pas soigner sans liberté de conscience, tout ce que Charlie dit à sa manière, manière qui nous fait rire et nous savons que le rire est bon pour la santé. Nous sommes libres car il n’est pas possible qu’une croyance religieuse nous impose une manière de concevoir le soin et la santé. Nous sommes libres car notre utopie se nourrit du combat de Charlie contre l’obscurantisme des dogmatismes. Nous sommes concernés parce que nous sommes des soignants qui veulent comprendre les causes des maladies et particulièrement cette maladie de folie meurtrière. Nous pensons qu’elle prend, comme bien d’autres fléaux, ses racines dans les inégalités, dans l’injustice sociale, dans le rejet de l’autre parce qu’il est différent. Oser dessiner la connerie humaine, cela aide tout le monde à mesurer la sienne et cela aussi, c’est bon pour la santé. Nous sommes fraternels parce qu’aujourd’hui nous sommes en deuil, dans le chagrin de la disparition de femmes et d’hommes qui étaient des amis.