Sylvie Simon, kinésithérapeute
Je n’étais pas encore dans l’autonomie, lorsque j’ai rencontré cette kinésithérapeute hors normes, pionnière d’une méthode nouvelle sur la connaissance de la coordination motrice. Avec elle, j’étais surtout dans le lien, au bon endroit pour apprendre. Je n’aurais jamais imaginé arrêter un jour mes séances avec elle, j’étais « dépendante », mais paradoxalement plus j’avançais dans l’apprentissage et le ressenti de ce travail sur le corps, plus je gagnais en autonomie. Ma vision du monde, de l’espace bougeait, j’osais m’aventurer, plus confiante et forte d’une énergie nouvelle. C’est d’ailleurs cette force qui m’a poussée à entreprendre des études de kiné, mes amis me le déconseillaient, le concours de kiné pour quelqu’un sans aucune formation scientifique était mission très difficile.
Mais je suis devenue kiné.
J’ai réalisé en pratiquant mon métier combien il est difficile pour certains patients d’imaginer qu’ils peuvent beaucoup pour eux, qu’ils peuvent apprendre à se soulager lorsqu’ils ont mal au dos, que cette autonomie passe par un minimum de connaissance et que l’accompagnement doit se faire par la transmission d’un savoir.
La conscience du corps et sa découverte devraient continuer au-delà du petit bébé qui palpe, explore son corps, amène son pied vers sa bouche. Pourquoi ne pas continuer dès la maternelle en apprenant aux enfants à se masser les pieds ; s’occuper de ses pieds c’est s’occuper de soi : c’est à partir des pieds qu’on se tient debout et que s’organise tout le système postural.
Je suis allée faire un tour du côté de la thérapie manuelle, les techniques structurelles (faire craquer) étaient enseignées, mais non conseillées. Il y avait une préférence pour accompagner avec la respiration des manœuvres de correction des lésions et c’est un outil intéressant dans mon métier.
J’aime bien partager avec les patients mes connaissances sur l’anatomie, je leur montre des images du corps, des os et je leur demande de visualiser cette construction. Avec les patients qui travaillent dans le bâtiment, je parle de charpente à rénover, qu’il faut revoir ensemble les fondations, ça les fait rire, mais ils adhèrent et sont souvent plus attentifs sur le ressenti de leur corps.
Aujourd’hui, je réalise que les patients qui viennent me voir depuis longtemps régulièrement ont des histoires différentes, mais la même motivation pour apprendre. Ils acceptent ce cheminement ensemble et je réalise aussi que ce sont souvent les patients les plus autonomes dans leur vie active.