Irène Mériaux
Médecin généraliste
Dix-huit mois déjà que j’allaite… et voilà que le moment du sevrage se fait sentir. Dans mon entourage, aucune de mes copines pour me donner des conseils, car aucune n’a allaité aussi longtemps ! Sans parler de la génération de ma mère et de mes tantes, où les femmes ont souvent sacrifié leur allaitement, sous l’influence de l’industrie agroalimentaire du lait qui souhaitait agrandir son marché, de l’institution médicale qui voulait augmenter son emprise et des idées d’une partie de la mouvance féministe qui y voyait une entrave à la liberté de la femme.
Mais voilà que toutes ces femmes que je reçois quotidiennement au centre de planification à Marseille, allaitent, elles, leur enfant jusqu’à 18 mois, voire 2 ans et demi… Alors, je me mets à leur demander leurs tuyaux, comment font-elles pour sevrer leur bébé ? Et ainsi je chemine moi aussi vers le sevrage.
« Et le vôtre, il tète encore ? » se demande-t-on aux consultations suivantes.
Quant à moi, je leur apporte une information sur les DIU ou les lavages vaginaux, alors elles réfléchissent et me rapportent leurs choix, leurs modifications de pratique…
Elles comme moi, nous cheminons, dans un apport mutuel d’informations et d’expériences…
Soignants et soignés, les frontières sont brouillées. Mais ces échanges restent privés, de l’ordre du colloque singulier, de l’intime. En tant que jeune médecin, j’ai comme l’impression d’enfreindre une loi de la confraternité… Les normes du pouvoir médical sont-elles respectées ? Est-ce cette posture médicale que l’on m’a enseignée à la fac ? J’en doute… Néanmoins, pour moi, c’est une question d’éthique et je suis volontairement subversive ! Cet article me permet de dire et d’assumer cette posture, car je suis convaincue, intuitivement, que ces échanges apportent quelque chose à toutes, elles comme moi. Tout simplement, on s’humanise.