Les activités de soins exposent, par leur nature même, des personnes à des risques. L’erreur fait partie de ces risques. Du « presque accident », de l’« échappé(e) belle », comme la nomment les Canadiens, jusqu’à l’accident grave, la possibilité de l’erreur est omniprésente dans la tête des soignants. Pourtant, le silence autour de cette question est longtemps resté assourdissant. L’évènement indésirable grave peut faire basculer tout le système, précipitant le patient ou sa famille dans la souffrance et l’incompréhension, enfermant le soignant dans la honte et la culpabilité. Briser le silence apparaît aujourd’hui comme nécessaire pour panser les blessures des uns et des autres. Des recherches, des analyses, des écrits, des lois, des groupes de réflexion commencent à permettre d’examiner l’erreur sous l’angle de la réparation d’une part et de la prévention d’autre part afin « d’éviter l’évitable »…
L’erreur est rarement le fait d’une défaillance individuelle, elle naît d’une cascade d’éléments qui, comme un jeu de dominos, aboutit à l’accident. Pourtant, c’est souvent l’individu du « bout de la chaîne », celui qui a pratiqué le geste traumatisant, qui est mis à l’index, considéré comme incompétent, ignorant, négligent, fautif, masquant ainsi les responsabilités de l’organisation du travail tant au niveau institutionnel que libéral. Évacuant le manque cruel, voire l’absence, de formation des soignants sur ce thème.
La peur de la judiciarisation de l’erreur a provoqué des mécanismes défensifs et corporatifs peu favorables à la réflexion et à l’échange entre victimes et responsables. Les montants des assurances de responsabilité professionnelle ont parfois atteint des sommets. Il semble bien pourtant que cette judiciarisation soit assez rare.
Les auteurs de ce dossier se penchent sur les définitions de l’erreur, la replacent dans la relativité historique des savoirs et des pratiques affirmés puis démentis au fil du temps, questionnent l’indépendance et la pertinence des normes et des recommandations. Ils explorent l’erreur sous l’angle de la prévention pour que les « loupés » deviennent riches d’enseignements. Il est urgent de donner la parole aux patients victimes ainsi qu’aux soignants responsables pour que puisse se développer la confiance qui fonde une relation soigné-soignant de qualité.
N°59 - décembre 2012
— DOSSIER — L’erreur en médecine
Pratiques N°59, octobre 2012