Entretien avec Marijo Taboada,
psychiatre au DAPSA (Dispositif d’Appui à la Périnatalité et aux Soins Ambulatoires, Paris).
Propos recueillis par Martine Lalande, et Anne Perraut Solivere
Pratiques : Vous faites partie de ceux qui ont su entendre les usagers de drogues ; quelles alliances thérapeutiques avez-vous construites ? Marijo Taboada : Je fais un métier où l’on est censé écouter ce que disent les patients, qu’ils prennent des drogues ou pas. Mais l’alliance thérapeutique, je ne sais pas ce que c’est. Je n’utilise pas cette terminologie. En fait, la locution que j’utilise habituellement est : « création d’un espace commun de conversation ». C’est un peu long, mais ça dit exactement ce que j’essaie de dire : la création d’un espace, d’une aire de jeu, comme pourrait dire Winnicott, dans lequel on va essayer de trouver à la fois quelque chose qui nous rassemble, et qui permet d’entamer une relation, et qui nous sépare, ce qui permet que le soin advienne.
Hors de la question des drogues, je pense à l’attitude que j’avais moi-même dans les premières années d’internat de psychiatrie, ce qui remonte maintenant à presque quarante ans, par rapport à la psychose. Je suis sûre que je n’ai pas la même attitude vis-à-vis des patients. Il y a quarante ans, on les imaginait comme des citoyens, bien entendu. C’était l’époque de l’antipsychiatrie, Basaglia, etc., ils avaient leur place dans la ville, mais on pensait peut-être moins au partage de l’expérience sur la pathologie mentale [1]. Mais je partage le diagnostic avec le patient, ce que je n’aurais pas osé faire il y a trente ans. Malgré nos tentatives de psychiatrie ouverte, je crois qu’on avait peur d’utiliser les mots. Cela a bougé. Est-ce que cela a à voir avec l’alliance thérapeutique ? Probablement au sens où on l’entend : on partage le diagnostic et on va essayer de construire ensemble.
Très tôt, vous vous êtes occupée d’usagers de drogue ?
Ma première rencontre avec les usagers est très ancienne, au cours d’un remplacement d’instit dans un centre fermé pour mineurs incarcérés, en 1971. En tant que médecin, cela n’a pas été une volonté délibérée, je n’avais pas d’attirance particulière pour l’affaire. J’étais attirée par le suicide et la mélancolie. Il se trouve que, dans ces années-là, il y avait à Fernand Widal un service de post-coma où on travaillait la question du suicide sans que le service soit identifié comme service de suicidologie. C’était un service de médecine où il y avait également une consultation pour personnes toxicomanes.
La question des drogues ne m’intéressait pas particulièrement, mais la dépendance pathologique me questionne ; je reste psychiatre. Les gens qui ont un usage raisonné ont un usage raisonné et je ne suis pas sûre de devoir m’en mêler. Cela existe, nous connaissons tous des gens qui consomment... C’est pour cela que je travaille dans la périnatalité maintenant. En vieillissant, on assèche un peu le sujet, donc je suis allée au cœur de la dépendance qui est la folie maternelle primaire, avec la dépendance pathologique du nourrisson et de sa mère comme paradigme de la dépendance pathologique. S’il n’y a pas dépendance, l’enfant meurt, physiquement et psychiquement. Je me retrouve dans ce qui fait le noyau de la pensée de cette question. Les drogues... mis à part le fait que c’était des gens plus rigolos... C’est vrai, ils étaient marrants, je ne me suis pas ennuyée en travaillant. Ils m’ont amusée, oui. Mais si j’avais pu, je serais restée dans le suicide et la mélancolie. Quand je dis ça, je mens. Je suis très contente d’avoir rencontré ce sujet qui me permet de continuer de travailler cette question de la mélancolie, notamment de la mélancolie maternelle dans la construction de la dépendance.
Qu’est-ce qui vous a amusée dans le traitement des toxicomanes ?
Ce qui m’a amusée ? Il y a une chose qui m’amusait et qui continue à m’amuser, sauf que c’est plus difficile bien sûr, c’est le fait que c’était un champ vierge. À l’époque, on avait peu de maîtres. Il fallait inventer sa clinique, ce qui est toujours plus intéressant que de dupliquer la clinique de l’autre. Il y avait un espace d’invention gigantesque. La chance a voulu que je travaille à Fernand Widal où il y avait de la méthadone. La méthadone était arrivée en novembre 1973 et moi en 1976, cela faisait donc très peu de temps qu’elle était prescrite. Et il fallait aussi inventer par rapport à cette prescription-là. Dans la marge de la marge, puisqu’à l’époque les gens ne prescrivaient pas. C’était très rigolo. À l’époque, les débats étaient animés dans les internats sur la question de la prescription des neuroleptiques. On a eu un peu le même débat sur « faut-il prescrire ou pas des neuroleptiques ? » Les psychotropes, la camisole chimique... des débats déjà très anciens. C’était très politique à l’époque, politique, au sens de l’organisation de la cité. Je trouvais cet aspect-là absolument passionnant. Le deuxième aspect est que c’étaient des personnes qui justement ne vous permettent pas d’être assis sur un savoir. Ils viennent contester le savoir médical. Cela oblige à être inventif. Soit on les amuse aussi, soit il ne se passe pas grand-chose. Donc on est obligé de travailler... Parce qu’on n’est pas compétitif vis-à-vis du produit, on n’apportera jamais une satisfaction identique. Donc comment faire en sorte qu’ils aient envie de revenir ?
Il faut les séduire ?
Il y a quelque chose de l’ordre de la séduction. On peut utiliser cela de façons différentes. Le terme séduction est délicat à utiliser, car il peut être entendu de façon perverse, ce qui peut arriver. Mais ne nous y trompons pas : il s’agit de surprendre suffisamment pour que le discours linéaire soit un moment suspendu, et que de cette surprise naisse chez notre interlocuteur de la curiosité pour lui-même.
Il faut éviter le comportement sectaire et prendre garde à ce qu’ils ne deviennent pas dépendants de vous. Ce qui pourrait se produire assez vite si on n’y prenait garde. C’était tout l’intérêt de travailler en équipe pour prendre garde au comportement sectaire que nous pourrions nous-mêmes induire.
Sectaire ?
Être là à la place du gourou, celui qui vient offrir de la complétude. A cette époque, travailler avec la méthadone obligeait à se poser cette question : il faut éviter la tentation de la complétude. Ce débat n’a pas pu être mené au moment de l’élargissement des programmes de substitution. Mais c’est intéressant d’utiliser une molécule qui vient à l’identique de ce dont ils ont besoin. Cela m’aurait encore plus passionnée d’expérimenter la prescription d’héroïne injectable. Être à l’identique de ce dont ils ont besoin pour essayer de jouer du paradoxe, de cette mise en tension. Parce que ce serait l’intentionnalité qui changerait le sens de la consommation. Et justement de ne pas jouer de la complétude, y compris avec la méthadone ou l’héroïne [2].
Être à l’identique de leurs besoins ?
Dans la prescription de molécules de synthèse, en traitement de substitution, on joue sur la substitution d’une molécule identique. Sans faire de la pharmacologie, l’effet qu’on cherche avec une molécule de demi-vie plus longue est d’éviter les effets aigus de l’opiacé et ne garder que l’effet apaisant. Soit dit en passant, c’est quand même prescrire « Waterloo morne plaine » à la place de l’excitation, mais c’est encore un autre sujet... Il y a quelque chose de très étonnant dans la prescription de méthadone, puisque justement on prescrit de l’apaisement, est ce vraiment ce qu’ils souhaitent ? On peut jouer de ça et aussi jouer de la prescription de dépendance : je substitue une dépendance par une autre. Dans la mesure où je suis un être pensant et pas une molécule... Les molécules, cela ne pense pas beaucoup, cela a des effets reconnus, toujours les mêmes, il n’y a rien de novateur et surtout il n’y a pas de surprise. Alors que moi, je peux être plus surprenante, je peux tomber malade, ne pas être là un jour, être de mauvais poil, être en retard, pas fiable parce que l’humain n’est pas fiable.
Cela permet de travailler avec le sujet la nécessité de dépendance à l’autre : qu’attendent-ils de cette dépendance-là ?
C’est cette mise en tension-là que je trouve intéressante. C’est une des réponses à la dérive sectaire : dire que je ne suis pas fiable... Il croit que je suis fiable et je lui dis que non... c’est une prescription qui peut être très créative.
Bien entendu, il ne faut pas faire l’économie de la réflexion sur les structures psychopathologiques des différentes personnes consommatrices de drogues. Pour certains, on va bien se garder de faire ce petit jeu, on va prescrire de façon contenante. Si vous êtes face à des personnalités qui ont des failles narcissiques importantes, que vous vous trouvez face à une sorte d’abîme, vous allez chercher à tenir et contenir.
La dépendance pathologique, comment est-ce que cela se joue ?
Je m’appuie sur mes références théoriques à moi qui sont plutôt du côté de la psychiatrie traditionnelle et de la psychanalyse. C’est mon outil de pensée à moi, et donc une vision partielle et partiale, mais je n’en changerai plus maintenant. La dépendance pathologique est quelque chose qui s’adosse à une impossibilité à l’autoconsolation, qui se situe du côté de la vacuité. Face à l’incomplétude de l’humain : je suis par définition incomplète et pour la vie. Il y a des étayages, des artéfacts qui s’appellent l’amour, le mariage ou l’amitié, on invente tout ce qu’on veut, peu importe... Tout cela est formidable, mais de fait on sait bien, à cause de certaines épreuves, que l’on est quand même seul face à soi-même. Quand on a eu l’occasion de créer à l’intérieur de soi suffisamment d’images qui nous permettent de nous consoler de ce que nous traversons, alors notre rapport à l’autre peut être fait d’envie, de désir de plaisir et tout ce qu’on veut. Si je n’ai pas eu l’occasion de construire cette animation intérieure, ce petit théâtre qui me permet de penser les choses et y compris moi-même, alors je suis débordée, ou plutôt anéantie par ce qui me frappe. Une sorte de sentiment de disparition, de vacuité, d’anéantissement qui fait que je ne peux être alimentée que par l’extérieur. Et je vais chercher chez l’autre une complétude impossible. Le produit est assez efficace pour combler ça. Parce qu’il est accessible et fiable. Ce qui permet d’ailleurs de reproduire l’expérience permanente : je suis désespérément vide et je peux me remplir de façon tout à fait complète. Expérience très proche de l’expérience du nourrisson. Le nourrisson étant pathologiquement dépendant de l’adulte, c’est ce qu’il vit : désespérément vide, il braille, il tète et il se remplit complètement, après il est raide défoncé. Regardez un bébé qui vient de téter, il pique du nez et ses yeux plafonnent comme quelqu’un qui vient de prendre de l’héro, c’est formidable. C’est une expérience commune à tous. Et c’est certainement formidable d’être nourrisson, seulement il faut grandir. Et c’est très intéressant de voir comment l’imaginaire se peuple de petits personnages qui permettent de se tenir... Pour moi, les personnes pathologiquement dépendantes sont des personnes qui n’ont pas pu, n’ont pas eu, pour des raisons extrêmement diverses, pas univoques, la possibilité de se construire ce petit monde. J’ai pu constater que non seulement elles ne peuvent pas, mais parfois leurs parents n’ont pas pu non plus. C’est très étonnant de voir ces parents qui eux-mêmes ne savaient pas y faire non plus pour se raconter des histoires.
Vous aviez quelques outils que les généralistes n’ont pas, pour que cette prescription ait un sens...
Je pense que les pouvoirs publics ont péché par omission. Il peut y avoir des accompagnements tout à fait intéressants par le médecin traitant, mais il faut donner quelques clés. C’était quand même très pervers. Mais en même temps, il y a avec ces molécules quelque chose de presque pédagogique qui peut être vraiment bénéfique. Je parle des molécules de traitement substitutif aux opiacés, parce que pour les autres consommations, on ne dispose pas de la même pharmacopée, et cela ne se joue pas exactement de la même façon. Comment on peut utiliser ces molécules-là un peu comme équivalents d’espace transitionnel, une sorte d’espace de jeu commun. C’est très possible avec ces molécules-là. Mais les généralistes n’étaient pas préparés à ça.
On les a un peu envoyés au charbon sans leur dire de quoi il s’agissait, on ne s’est pas très bien comporté à leur égard. Ils avaient commencé à prescrire dans l’euphorie du Subutex® et ils ont demandé « Mais cela s’arrête quand ? »... « Oh mon pauvre chéri, quelle question, mais on n’en sait rien, peut-être jamais... »
La dépendance est pour moi dans cette question du jeu transitionnel. On pourrait y réfléchir par rapport à d’autres types de consommation ou d’autres choses. Je ne crois pas que les gens consomment n’importe quoi et au hasard non plus. Le produit d’élection, les gens en attendent quelque chose.
Les patients nous prêtent un savoir, à partir du moment où nous sommes dans un milieu spécialisé, ce qui nous permet de dire un certain nombre de choses qu’on ne pourrait dire hors de ce contexte, à nous d’être vigilants. Il faut en savoir suffisamment pour être légitime et suffisamment peu pour ne pas s’accrocher à nos savoirs, pour éviter la toute-puissance. Il faut essayer de repérer ce que nous pouvons énoncer en fonction des attentes et des capacités d’entendre des patients qui ne sont pas les mêmes. Je m‘appuie sur un slogan confucéen « le sage est sans idée », lorsque je suis en face d’un patient, je perds mon savoir au moment où j’ouvre la porte. Évidemment ensuite, je vais me servir de tout ce que je connais pour construire ma clinique, mais je disparais en tant que sujet au moment où j’écoute la personne. Plutôt qu’alliance thérapeutique, j’utiliserai plutôt le terme pédagogie, comment on peut accompagner quelqu’un sur son chemin, en étant parfois devant, parfois à côté, parfois derrière... la question est comment refaire ce chemin-là avec eux ?
Comment les prescriptions pourraient-elles être un objet transitionnel... ?
La prescription est un outil du médecin. Je ne suis pas du tout une fanatique de la prescription, mais j’ai trouvé très intéressant le papier signé. Surtout à l’époque où le carnet à souches des stupéfiants était rouge-orangé. Nos patients avaient droit à l’anonymat. Cela représentait pour nous un engagement : je mets mon nom au bas du parchemin. Cela m’a toujours paru très intéressant, alors qu’on jouait sur la question du contrat, question d’une débilité profonde : comment voulez-vous passer des contrats avec des gens qui justement ne peuvent pas les respecter ?
Les généralistes, qui se culpabilisaient de ne rien savoir, ont beaucoup appris avec les usagers, mais avec toujours l’idée qu’il était risqué de tomber dans une espèce de fascination... se laisser séduire par des vies un peu marginales qui avaient complètement échappé à la médecine avant qu’ils en aient besoin pour les produits de substitution. Il aurait mieux valu les envoyer au psychologue ou au psychiatre ?
C’est une question très difficile. On peut être fasciné par les gens qui vivent dans les marges, c’est une fascination soixante-huitarde dont on peut peut-être se guérir. En 2012, on peut dire qu’on est guéri, Katmandou c’est loin... Mais je ne crois pas que les psychologues ou les psychiatres soient plus à l’abri de cette fascination et je reste persuadée que pour nombre d’usagers, le suivi par un médecin généraliste est probablement ce qui leur est arrivé de mieux. Je ferais plus la distinction entre un exercice collectif, institutionnel et un exercice isolé. C’est la difficulté du généraliste libéral, comme du psychiatre libéral : le tête à tête sans tiers.
Ce qui m’a intéressée, c’est que contrairement aux mélancoliques qui n’ont pas trouvé de réponse à une tentation de mort, on peut dire que les toxicomanes ont inventé une réponse qui leur permet de survivre, de mettre à distance leurs angoisses mortifères, comme certains délires, certaines pathologies de la lignée des pathologies dites narcissiques. Et c’est toujours intéressant de réfléchir aux réponses que les gens trouvent eux-mêmes.
Vous dites qu’ils ne sont pas suicidaires.
Au contraire, ils cherchent désespérément à vivre. La dépendance est une modalité de réponse au vide à être. Lorsqu’on suit certains patients, on perçoit parfois qu’ils vont lâcher, après avoir tellement lutté. Ils font preuve d’une capacité de bagarre inimaginable. Pour certains sujets, il vaut mieux avoir quelques notions de psy, on ne peut pas faire tout avec tout le monde et il faut bien évaluer la solidité du sujet pour faire de l’étayage chez ceux pour qui la dépression est trop dangereuse, qui ne remonteraient pas la pente. On ne joue pas à l’apprenti sorcier. Pour ceux qu’on sent suffisamment solides, avec qui on va pouvoir travailler ça, qui peuvent le supporter, qui ne vont pas se défaire complètement, il est nécessaire de pouvoir faire qu’ils se dépriment. Pour certains d’entre eux, on sent que la réalité va pouvoir être abordée. Si l’on va revisiter certaines phases de la construction du sujet dans la petite enfance, il va falloir admettre que maman n’est pas tout à fait ce qu’on aurait voulu qu’elle soit. Il ne s’agit pas de dire qu’il y a eu des bonnes ou de mauvaises mamans. Il y a des mères que l’enfant se donne pour mission de soutenir. C’est ce que déclara un jour Winnicott sur lui-même. L’immobilisme peut donner à croire que tant qu’on ne bouge pas, maman vivra.
J’ai vu ainsi une patiente mutique pendant des mois et des mois, il faut pouvoir tenir... Je ne sais pas comment elle allait, mais moi je n’étais pas fraîche... Elle était sous méthadone, ce qui a permis de travailler avec l’infirmière qui apportait une bienveillance presque maternelle, étayait, consolait, nourrissait... le temps qu’elle apprenne à se consoler elle-même. Pendant ce temps, le psy peut intervenir et sinon interpréter du moins reformuler suffisamment pour que des mots s’inscrivent... À deux, l’accompagnement devient très intéressant. Mais je ne parle là que des patients qui présentent des problèmes pathologiques. La question de l’accompagnement des biens portants qui consomment des produits, c’est une autre affaire. L’essentiel est de pouvoir être à deux niveaux de pensée. Les éducateurs, les infirmiers, peuvent travailler d’autres niveaux qui permettent parfois que des choses se passent, surtout lorsque le patient a du mal à accepter l’idée du psy. C’est la question du soin supportable. C’est à nous soignants de nous interroger sur ce qui est supportable pour eux, parfois, pour soigner il faut faire mal... C’est comme les ulcères de jambe. Mais il y a un niveau qui peut être insupportable. Si c’est l’éducateur qui est l’interlocuteur légitime et pas le médecin, ce n’est pas important, l’essentiel est que le soignant ait un lieu pour élaborer sa clinique et que le patient puisse travailler avec lui. La psychiatrie, c’est plus facile parce qu’on sait qu’il y a beaucoup de maladies qu’on ne guérit pas. Mais il faut faire en sorte que les gens même malades puissent vivre avec nous ; cela nous permet de penser la clinique du sujet, la clinique individuelle, mais aussi d’avoir une réflexion politique sur la santé. Est-ce qu’on a le droit de faire ce qu’on veut de son corps ? Cela permet d’avoir une réflexion qui dépasse la médecine. Pour finir, laissons la parole à Winnicott : « La psychothérapie se situe entre deux aires où on joue ; elle s’adresse à deux personnes qui jouent ensemble. On peut en déduire que s’il y a impossibilité de jouer, le thérapeute doit s’efforcer de faire passer le patient de l’état où il est incapable de jouer à l’état où il sera en mesure de le faire. »
Je pense que cela est vrai au-delà de la psychothérapie, c’est-à-dire vrai pour l’ensemble des lieux d’échanges avec les sujets pathologiquement dépendants.