Martine Lalande,
médecin généraliste. Grâce à l’information du GISTI [1]
La carte « retraité » : un piège pour les vieux migrants
La carte de retraité, créée par la loi du 11 mai 1998, partait d’une bonne idée : permettre aux vieux migrants d’effectuer plus facilement des aller-retour entre la France et d’autres pays. Cette carte est réservée uniquement aux (anciens) titulaires d’une carte de résident (dix ans), et à son conjoint s’il a résidé en France. Cela concerne ceux qui ont encore leur carte de résident et qui désirent repartir définitivement dans leur pays d’origine et ceux qui sont déjà retournés au pays et ont perdu tout droit au séjour en France. Le seul intérêt de cette carte est de permettre d’entrer en France à tout moment, pour des séjours d’une durée maximum d’un an, sans avoir à demander un visa. Ce n’est pas une carte de séjour, mais une sorte de visa permanent.
Même s’il a cotisé, il ne pourra plus se soigner
Un vieux migrant a vraiment beaucoup à perdre lorsqu’il échange sa carte de résident contre une carte retraité. Il perd son droit au séjour de manière définitive. S’il vient à changer d’avis, même s’il a vécu et travaillé de nombreuses années en France, il n’a plus aucun droit au séjour et donc aux droits associés. Et il perd l’essentiel des droits à l’Assurance maladie, alors même que des cotisations continuent à être prélevées sur sa retraite ! Si le titulaire de la carte retraité a cotisé au titre de la retraite moins de quinze ans, lui et son conjoint perdent tout droit à l’Assurance maladie. S’il justifie d’une durée d’assurance au titre de la retraite supérieure ou égale à quinze ans, lui et son conjoint ne pourront se soigner en France ou dans les départements d’outre mer, que « si leur état de santé vient à nécessiter des soins immédiats ». Ils ne pourront pas demander une prise en charge pour se faire soigner en France pour des maladies longues (cancer, asthme, diabète, etc.). Il semble que jusqu’il y a peu, les caisses de Sécurité sociale ne faisaient pas toujours attention, car très peu de cartes de retraité étaient délivrées. Certains titulaires d’une carte de retraité, en France depuis plus de trois mois, ont ainsi pu parfois bénéficier quand même d’une ouverture de droits à l’Assurance maladie française (dite « CMU de base »). Mais cela risque de ne pas durer.
Tous les droits sociaux sont perdus
Comme le titulaire de la carte retraité n’est plus considéré comme résident en France, il perd toute possibilité d’obtenir ultérieurement la quasi-totalité des droits sociaux : aide sociale, Sécurité sociale... et le droit de travailler, à l’exception de la retraite. Il n’a plus droit ni aux prestations non contributives (« minimum vieillesse », RSA...), ni aux aides au logement, ni aux prestations familiales, ni aux diverses prestations d’aide sociale (pour personnes âgées ou handicapées...), ni à l’allocation personnalisée autonomie, etc.
Le seul cas dans laquelle cette carte n’est pas une régression est celui d’une personne, déjà retournée au pays et ayant perdu tout droit au séjour en France, qui désire y revenir pour des séjours relativement courts, sans avoir à demander un visa à chaque fois. Mais il semble que dans ce cas, la carte retraité soit très difficile à obtenir en pratique... Pour tous les autres, il faut leur conseiller de demander le renouvellement de leur carte de résident, même s’ils sont moins libres de leurs mouvements [2].
Article paru sur le site de Pratiques le 26 juin 2011 : http://www.pratiques.fr/Alertez-les-Chibani.html, avec un document joint téléchargeable contenant les textes juridiques et recours possibles pour une personne concernée avec l’aide des associations.