Vous avez dit reconnaissance

Anne Perraut Soliveres
Cadre supérieur infirmier à la retraite, praticien-chercheure

Eh bien parlons-en ! Depuis de nombreuses années, en ma qualité de titulaire d’un diplôme de troisième cycle (doctorat), j’ai accepté de diriger des mémoires d’initiation à la recherche d’étudiants cadres. Je le fais exclusivement dans mon domaine de recherche (la nuit) fort peu développé et pour lequel les étudiants ont souvent du mal à trouver des interlocuteurs compétents. Si j’ai toujours éprouvé beaucoup d’intérêt, et parfois du plaisir, à accompagner ces infirmières en formation, c’est un travail qui demande beaucoup de temps et nécessite d’autant plus d’investissement que l’institut de formation des cadres de santé se repose entièrement sur le directeur pour mener ce travail à bien et que la marche est un peu haute à franchir pour la plupart des étudiants qui ne lisent guère. Il faut donc aider ces professionnels à passer d’une réflexivité « naturelle », souvent manichéenne, à un questionnement plus complexe et rigoureux. Dans un univers professionnel où le travail exige des compétences multiples, avec des moyens limités et quasiment aucune autonomie, il s’agit de faire passer l’étudiant, en quelques mois, à un fonctionnement intellectuel où l’autonomie est prescrite (bien que limitée par les contraintes formelles qui « cadrent » l’exercice). Autant dire qu’entrer dans une démarche de recherche dans ces conditions ressemble davantage pour l’étudiant au saut à l’élastique qu’à la plongée dans un bouillon de culture.
J’ai passé cette année vingt-cinq heures en réunion avec l’étudiante que j’accompagnais dans sa démarche et au moins cinq à lire, relire, corriger le travail écrit et participer à la soutenance.
Je vous laisserais bien deviner le montant de mon salaire pour cet exercice, mais vous vous tortureriez inutilement... 140 euros... C’est-à-dire moins de cinq euros de l’heure...
J’ai bien peur que les infirmières ne perdent encore du crédit avec l’universitarisation... Heureusement que les bénéfices sont ailleurs, mais il serait peut-être temps que ça change...


par Anne Perraut Soliveres, Pratiques N°54, juillet 2011

Documents joints

Lire aussi

N°54 - juillet 2011

— Dossier —

Infirmières, la fin d’un mythe ? La réforme de la formation des infirmiers sonne-t-elle le glas d’un métier de soignant « inadapté » à un modèle économique qui veut passer la santé au crible …
N°54 - juillet 2011

Un métier d’avenir ?

par Anne Perraut Soliveres
L’université n’est pas la solution au problème des infirmières, elle peut être une ressource, mais ne doit pas être une condition.
N°54 - juillet 2011

Les aléas d’une réforme

par Pascale Molinier, Anne Perraut Soliveres
Tout en offrant une reconnaissance aux infirmières, l’université pourrait générer des rencontres vivantes, des colloques en soins infirmiers… mais est-ce le projet qui va être développé ?