Philippe Bazin
Photographe
Valérie Jouve, récemment exposée au Jeu de Paume à Paris, fait partie des photographes apparus dans les années 90 chez qui le multiculturalisme, la société française ouverte sur les différentes cultures, devient un sujet majeur de préoccupation.
Son œuvre exprime ce souci à travers le travail du corps de ses modèles avec qui elle entretient une relation de grande proximité. Chaque séance de prise de vues devient alors un travail chorégraphique et performatif où l’équilibre doit s’exprimer à la fois chez le sujet et dans la forme photographique. Ainsi, il y a une sorte d’objectivité à enregistrer les corps des modèles souvent issus du monde de la danse, contrebalancée par la subjectivité de l’artiste devant construire sa photographie selon sa perception et son ressenti.
Un équilibre est donc à trouver, et trouvé. Celui-ci oscille entre des mondes culturels différents, complexes, des expériences artistiques et de vécus qui ne se recoupent pas, excepté au moment d’une rencontre qui devient plus qu’une « prise de vues ». Un échange de vues. La complexité de la rencontre trouve chez Valérie Jouve son exact point d’équilibre lorsque cette expérience peut s’accomplir totalement dans cet échange. Sans quoi rien ne se passe.
La photographie de couverture exprime cela sans doute, deux chanteurs en exercice dans un lieu improbable laissent ouvertes plusieurs alternatives à d’autres interprétations qui dévient de celle que propose la photographe. Chez Valérie Jouve, les personnages s’inscrivent dans un paradoxe qui donne toute leur force à ses images, celui de corps très présents qui expriment ce que l’écrivaine Stéphanie Chaillou a appelé « l’homme incertain ». Il ne s’agit pas en effet pour l’artiste de procéder par affirmations mais de proposer une possibilité, laissant à d’autres possibilités toutes leurs potentialités.